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un voyage


choses insaisissables, d’entendre au loin des bruits que les autres créatures n’entendent pas, d’être en route vers des buts indicibles, et qu’en route ils oublient. Étranges animaux, ils gardent perpétuellement une mine de rois en exil, ne sont chez eux nulle part, et dans les plus vastes espaces donnent l’impression de la captivité. Ces cygnes errant sur l’eau mordorée du canal, au bord de ce lieu où l’on vient achever de vivre, quel symbole opprimant de l’inquiétude qui attend, devant la porte de la paix…

On les quitte enfin pour franchir cette porte.

Le vent remue-t-il parfois ces longs arbres, ces herbes ? Quelqu’un se hâte-t-il jamais en traversant cette place verte ? Rien ne bouge. Le bruit est resté dehors… avec les cygnes.

Les maisonnettes serrées flanc à flanc sont plus stables qu’aucune bâtisse. On a dû les reconstruire bien des fois, toujours à la même place. Et, à les voir incrustées si fortement dans le sol, on ne peut se tenir de croire qu’elles poussent de grandes racines éternelles qui depuis six cents ans les ressuscitent quand on les abat, ainsi que font les vaillantes racines des arbres.

Elles sont toutes petites la plupart, et convenables à des existences qui ne comptent plus sur les ambassades du monde extérieur. Une grande maison, c’est fait pour que beaucoup de gens y viennent apporter l’inévitable trouble. Aussi les grandes maisons peuvent-elles nous paraître abandonnées, tristes, ennuyées, vaincues : paisibles jamais. Les