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piqué de petites bougies ; on entend le craquement sec et amical des noix, le cantique chanté en chœur. On se souvient de la famille rassemblée autour du poêle. Sans faute il y avait là un père un peu redoutable et une grand’mère bénévole. Et puis ce sont au printemps, les longues promenades des longues fiançailles. On marche sans parler, se tenant à la taille et pensant à des fleurs, à la lune qui se lève, à rien, avec un bonheur délicieux et patient. Sur la belle place, toute l’ancienne vie allemande ressuscite et circule avec vous, gaie et recueillie, économe, prudente, pénétrée d’un goût du devoir qui parait de grave beauté les moindres actes. La vie du temps où, en Allemagne, on savait — et mieux qu’ailleurs — que l’homme ne vit pas seulement de pain.

C’est jour de marché. Dans les petites boutiques de toile, les fruits brillent comme des joyaux, les quincailleries, l’émail épais et les brusques taches des poteries paysannes ont l’air précieux. Il y a des jattes noires, des jattes jaunes, et des tirelires irrésistibles.

Quelle admirable chose : un marché ! Nulle part on ne rêve mieux. Le moindre marché garde un peu de la force évocatrice qu’avaient jadis les grandes foires où arrivaient les produits d’autres climats, les objets fabriqués par des gens dont on ne pouvait même pas se représenter l’aspect, les matières in-