Page:Bulteau - Un voyage.pdf/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
les maisons sacrées

Qu’éprouva-t-elle, la pauvre femme quand l’eût quittée pour toujours, celui-là qui, dans son cœur, portait une image d’elle plus grande encore qu’elle n’était grande, et plus vivante qu’elle n’était vivante ?… Depuis longtemps elle ne sortait pas de chez elle, ni de son lit, ne voyait personne, écrivait, écrivait — pour la gloire et la réformation de l’église, — tout le jour, toute la nuit, oubliant de manger, oubliant ses souffrances, mais ne l’oubliant pas, lui, ah certes ! Elle lui survécut quelques mois à peine. Elle est morte d’une hypertrophie du cœur — et ne convenait–il pas que cette merveilleuse sensitive fût tuée par son cœur ?

Liszt l’avait instituée sa légataire universelle ; même après la vie, il voulait tout lui donner. Et elle, voulut qu’à l’église, près de son cercueil, qu’il n’était plus là pour couvrir de fleurs et de détresse, on jouât le Requiem de Liszt. Ainsi malgré tout, jusqu’à la fin, leurs âmes sont demeurées unies dans cet amour plus fort que la mort, qui, en un instant, les avait donnés l’un à l’autre et pour toujours.

Je vais quitter la maison brûlante de souvenirs, et voici que la vieille gouvernante me montre un morceau de marbre blanc : « La main de Liszt », dit–elle, et elle explique qu’on a taillé le marbre d’après un moulage fait sur nature. Mais sur quoi se referme-t-elle donc, et avec tant d’énergie cette