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les maisons sacrées

durant qu’il appartient, il appartient tout entier. Il s’ouvre et se livre à l’envahissement de la passion. Elle occupe chacune de ses molécules, fait partie de son orgueil, de sa rêverie, de ses petitesses, de sa grandeur. Il ne réserve rien. Et l’appétit de son cœur, de sa pensée est aussi exigeant et plus continuel que l’appétit de sa chair. Ce besoin de l’être adoré, de sa compagnie, ce besoin de savoir qu’il pense à vous comme vous à lui, incessamment, tous l’éprouvent au début des tendresses, même précaires, lui, il le garde jusqu’à la fin. Il comble la femme aimée de cette flatterie merveilleuse, la certitude d’être partout présente en lui, et toujours. Actif, occupé de vastes objets, il la mêle à son activité, à ses énergies, et cela sans effort, sans système, parce qu’il ne peut pas faire autrement, parce qu’elle circule en lui avec son sang, et qu’il ne se ménage aucune retraite où jamais il aille se reposer de l’amour… Liszt fut un de ces hommes irrésistibles.

Il a aimé avec tout son génie, toute sa tristesse, toute sa gaieté, tous ses nerfs, toute la force de sa grande nature, avec aussi la plus ardente spiritualité. Ses passions célèbres, d’autres ignorées, certaines dont il ne sied pas encore que l’on parle, continuent de brûler dans cette solitude ; on en respire l’impérissable parfum.

Sur toutes, une a marqué sa vie aux profondeurs : son amour infini pour la princesse de Wittgenstein.