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LES MAISONS SACRÉES


III


Décidément, on a tort de mettre sur les places les statues des grands hommes ! Nous avons besoin de connaître leurs têtes généreuses, certes. Mais que ne s’en tient-on aux bustes ? Le buste, parce qu’il est fragment, s’isole de la foule, et il nous met en contact avec ce qui seul importe. La statue, loin qu’elle fixe l’attention sur le personnage, en détourne irrésistiblement. Pour être intéressés et retenus, nous aurions besoin d’une ressemblance rigoureuse : la glorifiante statue ne ressemble jamais, son affaire c’est d’adapter l’être physique du mort illustre à l’opinion généralement reçue quant à son œuvre ou à ses actes. Est-il question de garder la mémoire d’un penseur ? l’artiste n’hésitera pas à lui donner une attitude de fatigue somptueuse, et une immobilité définitive — les penseurs ne sauraient remuer comme les gens du commun, ni remuer du tout, en somme : ils pensent, et tout le temps. — Cet homme de marbre effroyablement songeur, et qui doit jusque par les plis de sa robe de chambre faire allusion à ses œuvres complètes,