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un voyage

Schiller est l’une des physionomies les plus pures que le temps nous ait laissées. Eut-il quelque défaut ? Personne ne semble s’en être rappelé un seul. Milton dit : « Celui-là qui veut écrire des poèmes héroïques, qu’il fasse de sa vie un poème héroïque.» Schiller fit cela. Nulle tache en lui, nulle petitesse, tout est noble parfaitement. Si, à vingt ans, il s’enfuit de Stuttgard, où il était chirurgien dans l’armée de Wurtemberg, qui au monde oserait l’en blâmer ? Il venait d’écrire Les Brigands, une éblouissante gloire était tombée comme un éclat de foudre. L’Allemagne, l’Europe même retentissaient de son nom. Des poèmes bouillonnaient dans son esprit, plein de créatures ambitieuses qui voulaient vivre : il était Schiller, enfin ! Et le duc de Wurtemberg lui interdit de publier, de faire jouer quoi que ce soit. On le met en prison pour avoir assisté aux répétitions de sa pièce à Mannheim, on le menace de bien pire s’il désobéit à ces ordres absurdes. En écrivant, il risquait sa liberté, sa vie peut-être, — nous savons ce qu’était la forteresse du bon duc ! Il partit, et fit bien. Le duc lui-même, plus tard, en convint lorsque sa maîtresse lui eut expliqué clairement les choses. Si on excepte cette fuite vers la gloire, la vie de Schiller ne contient pas la moindre action qui puisse être discutée. Fils très tendre, mari fidèle et charmé d’une femme adorable, père excellent, gai et joueur, ami sans défaillances, il était, en outre, de la plus belle fierté, digne avec douceur, énergique, désintéressé, généreux, sans vanité, — car les triomphes bruyants,