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UN VOYAGE



J’ai toujours senti de la tendresse pour ce voyageur légendaire : dès son entrée à l’auberge, il est frappé par les cheveux de la servante et, saisissant un carnet, il note aussitôt que toutes les femmes du pays sont rousses.

J’aime le brave garçon, comme on aime ces mythes dans lesquels on retrouve un peu de son âme. Naïf, curieux, pressé, également avide de nouveautés et de certitudes, n’est-il pas sympathique ? Sans doute, la chose qu’il aperçoit lui cache toutes les autres, mais comme il la voit bien ! Sans doute il dit mainte bêtise, mais comme il s’amuse !

Les vrais voyageurs, ce ne sont pas les grands artistes, habiles à choisir parmi les aspects du monde, celui qui permettra l’ample développement de leur manière ; ni les penseurs qui emportent dans leur malle une idée toute construite et dont, suivant le conseil de Taine, ils cherchent la vérification au delà des monts et des mers. Ce ne sont pas non plus les personnes qui partent pour oublier,