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les maisons sacrées

chemins sinueux, et l’eau obscure. Puis le souvenir se précise : on a vu le parc de Weimar dans les Affinités électives ! Je ne saurais dire si aucun de ses aspects s’adapte aux descriptions du jardin où Edouard et Ottilie développent leur douloureuse passion. Mais n’importe, parc et jardin ont habité ensemble le même point dans le cerveau de Gœthe, une intention pareille les marque. Ici et là il est présent, il règne… Se promener sous les arbres de Weimar, c’est, on le sent avec force, comme si on circulait dans la volonté de Gœthe. Et bientôt, oubliant les cœurs troubles des Affinités, on ne pense plus qu’à lui, et à elle, Charlotte von Stein. Leur amour tellement spirituel, chargé de littérature, mêlé d’art, ressemble de plus d’une sorte à ce parc qui est purement un jeu despotique de l’intelligence.

Les « effets » se succèdent savamment, classés de manière à se compléter l’un l’autre par analogie ou contraste. Il y a des places mystérieuses propres à jeter l’imagination vers le drame et la fantasmagorie. Les rochers s’entassent, les arbres rejoints épaississent une obscurité équivoque, et voici un paysage fait pour que la chasse infernale y passe à bride abattue. Des trouées soudaines révèlent un lointain apaisé derrière des prairies, et nous recevons l’ordre de rêver à des choses pures, et douces. Une allée secrète appelle les amoureux qui marchent en silence, le cœur trop lourd de joie. Un coin recueilli attend le songe profond du philosophe.

La sauvagerie et l’aspect intime sont fabriqués