Page:Bulteau - Un voyage.pdf/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
un voyage

rieux j’imagine, car un jour, brusquement, sans guère prévenir, il partit pour l’Italie où il demeura deux années entières, écrivant des lettres éloquentes, gaies, profondes, qu’il reprit ensuite pour les publier. Quoi qu’il ait supprimé toute la partie intime de cette correspondance lorsqu’il fit son Voyage en Italie, on y trouve parfois des phrases qui répondent à ce que lui écrivait Mme von Stein. — Ses lettres, à elle, n’existent plus : elle les redemanda, et, je crois, peu d’années avant sa mort, les brûla. — « Vous me reprochez de me contredire », écrit-il une fois, entre autres, et il se défend avec vivacité. Elle devait lui reprocher bien d’autres choses en outre…

Quand il revint, il n’était plus amoureux, plus du tout. Charlotte le reçut d’une façon assez froide. Elle avait le cœur amer. Pendant deux ans il s’était passé d’elle. Même, il avait été heureux comme jamais, fût-ce aux heures les plus chaudes de leur affection. Quelle amoureuse supporte sans se plaindre qu’on soit heureux loin d’elle, d’un bonheur dont elle n’est pas le principe, et, mieux encore, d’un bonheur dont son absence est la condition première ? Charlotte se plaignit certainement. Et il n’était plus amoureux ! Il avait, sans le secours de la conseillère chérie, fait mille découvertes dans son âme. Il revenait, puissant davantage, et dur aussi, la mémoire pleine de beaux visages italiens, et de maint souvenir. Mme von Stein avait quarante-six ans…

Pauvre femme ! aimait-elle plus que jamais, à