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les maisons sacrées

rée, peut-être, de ce poème si terriblement beau.

Méphistophélès est vaincu à la fin. Faust échappe à l’enfer, appelé en haut par l’humble amour de Marguerite. Sans doute ! Faust était trop pareil à son âme pour que Gœthe eût le courage de le damner. Mais n’allons pas tirer de là une conclusion optimiste !

Non, le grand poète ne fut pas calme, libre de l’angoisse humaine, satisfait de son génie et de sa gloire, assis bien à l’aise dans son orgueil. Constamment, il avoue son besoin d’échapper. « Poésie, c’est délivrance », a-t-il dit. Et il convient d’avoir fait Werther pour se « débarrasser » de la manie du suicide. Il a fallu sans cesse qu’il se délivrât et se débarrassât, ce monarque absolu de l’esprit, au destin si magnifique. Et ses bonheurs, qu’en pensait-il ? Ceci : « Il faut briser le verre dans lequel on a bu une jouissance. » Est-ce la parole d’un homme qui remercie la vie et espère en elle ?

Il dit encore quelque part qu’un homme est d’autant plus grand qu’il représente et formule son époque avec plus d’intensité. Nous le trouvons si grand, parce qu’en dépit de toute attitude, de toute légende, nous sentons qu’il éprouva comme nul autre, l’époque où il vécut : cette époque formidable, pleine d’affirmations brutales, d’espoirs dévorants, et d’un doute infini ; cette époque où le cœur de l’homme fut troublé jusqu’aux profondeurs.

À la fin, on apercevait Gœthe comme au travers d’un nuage : chargé d’ans, d’honneurs, et de sou-