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un voyage

tourne. « Si je n’étais venu en Italie, avoue-t-il lorsque enfin il cède à l’irrésistible désir, je crois que j’aurais perdu la raison. » « Voir ce pays était une soif qui me dévorait. » Et quand il a saisi son rêve, quelles exclamations de joie frémissante, presque douloureuse parfois : « La fatigue de l’effort que me coûte le renouvellement de mon être concentre toutes mes facultés. » Ensuite il crie « le plaisir d’être », qu’il ne connaissait pas, et le rafraîchissement de ses énergies intellectuelles. Il lui paraît que pour la première fois il comprend « les choses de ce monde ». Il brise avec les anciennes sympathies et jette son mépris à l’art gothique de la vieille Allemagne : « Les pauvres saints juchés les uns sur les autres dans de mauvaises niches, les colonnes en tuyaux de pipe, les petits clochers pointus ! Grâce à Dieu j’ai dit un adieu éternel à l’étude de tous ces objets ! » Il qualifie son voyage un salto mortale. Il sent que tout est changé pour lui : « Il s’est fait en moi une révolution complète. » « Je regarde comme mon second jour de naissance, comme l’époque réelle d’une seconde vie, le jour où je suis entré à Rome… »

Et puis il est revenu ! Il a retrouvé « l’atmosphère sombre qui obscurcit tous les reflets, le pays où on est enfermé en d’étroites et tristes demeures ». Et parmi ses pierres gravées et ses moulages, il a dû goûter jusqu’en son extrême amertume la nostalgie des cœurs en exil.