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un voyage

demeure où sont venues en pèlerinage tant d’admirations, que tant d’esprits ont cherchée à travers l’espace, dont tant de rêves lointains ont battu les murs jaunes, elle ne semble pas construite avec des pierres mais avec des pensées. Elle rayonne je ne sais quelle chaleur lumineuse. Vainement, je tâche de la voir en sa modeste réalité. Impossible ! L’éblouissement de la gloire est dans mes yeux.

La gloire !… Ce n’est pas le bruit qu’un homme oblige ses contemporains de faire sur son passage ; ce n’est pas leur obéissance servile aux directions qu’il impose ; ni même l’admiration silencieuse que suscite en mille lieux divers l’œuvre où brûle encore la chaleur de sa vie. La vraie heure de gloire commence lorsque le mouvement soulevé par ses passions et ses luttes s’apaise, lorsque sont morts ceux qui le haïssaient ou l’adoraient, ceux qui ont connu l’émotion de ses regards. On le lit moins, on le lit à peine ; cependant les hommes, sans chercher pourquoi, acceptent son nom comme signe de grandeur, et s’il arrive, malgré cet assentiment unanime, que les mots les plus forts qu’il ait dits paraissent, à la longue, démodés, affaiblis, c’est que leur force n’est pas restée enclose aux pages des livres. S’échappant comme une flamme elle a pénétré les cœurs et les esprits. Elle se transforme en actes, et continue de se réaliser sous des formes nouvelles dont l’origine ne s’aperçoit plus.

La gloire, c’est de faire partie de la sensibilité des générations qui vous suivent, et si intimement, que vos paroles, vos révélations servent à tous pour