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cassel

me suis informée de l’époque où un grand paquet de grandes maisons était venu remplacer des masures ou occuper des terrains vagues. Et tant de fois j’ai obtenu la même réponse : « Il y a dix ans », que mon goût pervers des généralisations m’a soufflé mille folies. Pourquoi bâtit-on moins qu’on ne bâtissait ? Tout le monde est logé peut-être ? Oui, et peut-être aussi le formidable développement de l’Allemagne commence-t-il à perdre quelque chose de sa rapidité initiale…

Le voyageur imaginatif et sans information qui va par ce pays le nez en l’air, cherchant à reconnaître dans la moindre chose un signe révélateur, n’a-t-il pas depuis quelques années cru sentir que le tourbillon des forces créatrices retenait un peu son allure presque terrifiante ? L’Allemagne, on le sait, souffre par moments d’états congestifs dus à la surproduction, puis après un court malaise, elle repart comme l’athlète vigoureux lorsqu’il a soufflé. Repart-elle chaque fois à la même vitesse, ou bien chaque fois ralentit-elle insensiblement son rythme ? De savantes personnes pourraient résoudre la question. Pour moi, ignorante, qui prends mon plaisir à étudier les maisons neuves, les magasins, les objets qu’on y vend, la manière dont on les vend, les robes des passantes, l’attitude de hâte ou de flânerie des passants, je m’en tiens à l’impression que me donne tout cela. Et il me paraît que la titanique énergie au moyen de laquelle l’Allemagne a produit tant de richesse et de véritable grandeur est, non pas en décroissance, mais « étale » comme