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plus la mode. La joie est généreuse, elle donne largement ; les prêtres du moi ne sont pas généreux : ils n’aspirent qu’à prendre sans donner jamais rien. D’ailleurs ils sont adroits à vêtir leur égoïsme morbide d’habits fort élégants ; leur amertume mélancolique a du style, leur pessimisme une noble attitude intellectuelle, leur mépris est de grande allure. S’ils sont mal portants, affreusement tristes et perpétuellement déçus, c’est que leurs natures prodigieusement fines les rendent aptes à ressentir des tortures ignorées du commun. Je le crois bien, ils n’ont pas le tissu héroïque qui se refait vite après la blessure, et ils ne cessent de taquiner leurs plaies avec une habile perversité ! Ils méprisent la joie, ils n’en veulent pas, ils ont monopolisé la souffrance distinguée et s’y obstinent non sans se plaindre abondamment.