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Notre ridicule n’est presque jamais candide et complètement désintéressé. Il résulte de prétentions énormes dont le doute de soi surexcite l’audace et fausse le ton. Son outrecuidance ne cache qu’à demi une humilité sous-jacente. Il manque de calme et de sécurité, quels que soient ses airs. En France, où l’on est capable de saisir les nuances d’une intonation et de lire à l’instant le mystère d’un regard, le ridicule ne vient pas d’un innocent défaut de compréhension, d’un excès de confiance, de certitude, et de ce qu’on oublie qu’il y a là des gens et qu’ils vous examinent, mais d’un désir de paraître autre qu’on n’est, désir piteux, où se mêle l’inquiétude d’être deviné.

Le ridicule anglais, composé de l’ignorance parfaite des dispositions du public — et souvent de l’existence d’aucun public — et de l’entêtement à rester soi dans des occasions où il vaudrait mieux se montrer différent de soi, est une affirmation de liberté.

Rien, dans le bel orgueil des Anglais, n’est plus légitime et plus intelligent que leur tendresse émue et doucement railleuse pour le ridicule.



Plus d’une fois, dans leurs actes individuels, comme dans leurs actes collectifs, ils paraissent se contredire, et avec une tranquillité imperturbable qui étonne et scandalise. C’est que leur contradiction n’est visible et même réelle, que