Page:Bulteau - L ame des Anglais.pdf/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins que ses nerfs malades aient affaibli sa représentation musculaire et, par conséquent, dilué son essence anglaise, l’image de l’opinion ne s’offrira pas d’abord à lui.

Il est presque impossible à un Français, si distingué d’esprit qu’on l’imagine, d’être original des pieds à la tête et comme l’est le plus insignifiant Anglais, car, avant de se livrer même à une impulsion violente, le Français compare et prévoit. Il n’a pas ébauché un geste pour conquérir l’objet souhaité que déjà il aperçoit les conséquences multiples de la réalisation : il pense à ce qu’on dira ! L’instinct est contrarié en lui, détourné souvent par le souci de la critique. Il troque un peu de son âme contre l’âme de ceux qui vont le juger et qu’il voudrait satisfaire ; — il a besoin d’assentiment, parce qu’il a besoin d’amour… Et puis, l’habitude de se communiquer mêle sa personne intime à ses manifestations extérieures ; elles réagissent fortement sur lui. Tout ce qu’il dit et fait, même les mensonges et les actes que désavoue sa volonté, le modifie, car sa conscience y est tout entière présente. Sociable, susceptible de donner généreusement et de recevoir avec grâce, il redoute le blâme qui sépare les cœurs, et le ridicule. La peur du ridicule. — Stendhal ne l’a-t-il pas démontré victorieusement ! — voilà ce qui rend l’originalité intégrale si rare chez nous. Ces craintes restrictives ont leurs motifs d’ailleurs, et de bons ! Il y a un,