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ailleurs, on ne sait où : il n’y assistait pas. Les admirations qui ne lui convenaient nullement, les docilités à l’esthétique, voire à l’éthique régnantes, n’ont laissé aucune trace. Il a beau sauter dans la mer avec les autres moutons, il demeure celui qui ne ressemble pas.

La défense latente et perpétuelle de son originalité le préserve du cabotinage. Le cabotin sait qu’il y a là du monde qui le regarde : l’Anglais ne s’aperçoit jamais de cela. Le cabotin doit deviner les dispositions, les desseins, le tempérament de son public, afin de lui présenter la sorte de miroir où il se verra avec agrément. L’Anglais est incapable de ces petites perversités. Le cabotin désire plaire, l’Anglais n’y tient pas.

Habile à transformer ses insuffisances et ses défauts en vertus et en lois, il a tiré un devoir moral de son inaptitude à pénétrer et à être pénétré : sa discrétion tellement exquise, commode, — et qui vous isole si bien — est une fleur de la paresse d’esprit. N’ayant pas le goût de regarder en autrui, il établit que la curiosité, l’investigation, voire l’attention et l’intérêt trop vifs, sont choquants, grossiers, indélicats. Personne ne doit regarder personne, c’est entendu une fois pour toutes ! Aussi, le moment d’agir venu, ne se laisse-t-il nullement troubler par l’idée des spectateurs et des juges probables, il les ignore.

L’Anglais peut devenir sensible à l’opinion, quand elle s’exerce sur ce qu’il a fait, mais à