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mêlant. La raison de leur amusement est trop personnelle pour se communiquer. Ils se taisent, ont l’air distrait, et nous croyons qu’ils s’ennuient nous, qui ne goûtons la joie que partagée : non, ils s’amusent tout seuls.

Ils attribuent une valeur morale aux manières contenues, effacées et inexpressives, et les considèrent comme l’indice certain de la bonne éducation du cœur et de l’esprit, non par morgue ou par hypocrisie : par prudence. Ils se doutent bien que chacun d’eux, — si différent des autres ! se donnant libre carrière, un désordre général ne tarderait guère à s’ensuivre. Ils y veillent !

Cette originalité, qui prête un intérêt à l’Anglais le plus nul, ne vient pas de l’intelligence. Pris en masse, les Anglais ne sont pas très intelligents — au sens strictement étymologique du mot — car ils comprennent avec lenteur et difficulté. Favorable difficulté, heureuse lenteur, en les protégeant contre les influences, elles leur permettent de ne ressembler à qui que ce soit !

On adopte, on subit les sentiments, les idées, les façons de ceux qui vous entourent, quand on les perçoit avec tant d’acuité, que mérites, charmes, tares quelquefois, tournent à l’obsession. Pareille aventure n’arrive guère à l’Anglais. Tant que son cerveau n’est pas mis en branle par des images de lutte et de compétition, il s’en tient à constater les surfaces. Il n’est pas muni d’antennes pour reconnaitre, en toute circonstance, la nature