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singuliers ne tiennent pas ces choses pour des abstractions bonnes à tous sur quoi il faille penser pareillement, et qui aboutissent à une même conclusion. Ils ajoutent et retranchent, jusqu’à ce qu’ils aient taillé une morale, une religion, un patriotisme exactement convenables à leur personne profonde et à elle seule.

Ils ne tiennent guère à vous expliquer cela. Peut-être n’en ont-ils pas une claire conscience. Peut-être, déférents comme ils sont envers le policeman, ignorent-ils cet instinct de rebellion solidement logé en eux, et sans cesse prêt à se dresser contre toute loi, fut-elle sainte, qui viserait à leur enlever le droit d’être eux-mêmes sans restriction.

C’est à leur originalité qu’ils doivent de s’amuser avec tant de tristesse, à moins pourtant qu’ils n’assistent au spectacle des efforts musculaires, alors ils ne sont plus tristes, ils ne craignent pas d’extérioriser leur satisfaction. Nulle autre circonstance que celle-là ne réussit, — et comme elle y réussit ! — à créer entre eux l’âme collective, si vite formée dans les théâtres de France, et qui, naît en Italie, aussitôt que trois personnes sont réunies en face du moindre incident. Mais quand ils écoutent une comédie, un drame, un opéra, un orateur, qu’ils regardent des tableaux ou un paysage, les Anglais évitent de s’aventurer dehors. Ils ne sentent pas chez le voisin un plaisir de même nature que leur plaisir, et qui l’augmenterait en s’y