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ment recrutée parmi ceux qui ont réussi — leur propre fortune ordinairement — ou rendu des services au public, n’a pas l’aspect inaccessible et l’isolement hautain qu’elle prend nécessairement lorsqu’elle cesse de se renouveler. La noblesse anglaise est transformable comme tout ce qui vit. Ses fils rentrent dans le peuple et les fils du peuple montent jusqu’à elle. Au lieu d’une irritante abstraction, elle est un but concret et saisissable. Quand on s’incline devant elle, on rend hommage à une chose que demain peut-être on possédera.

Aussi, l’Anglais, orgueilleux parce qu’il est maître en soi et que jamais il ne perd la conscience de sa réalité et la certitude du succès, garde sa personnalité dans le snobisme et même l’y augmente… Au soir de Poitiers, le Prince Noir refusa de souper avec le pauvre roi de France, son captif, parce qu’il ne se jugeait pas « encore suffisant pour s’asseoir à la table d’un si grand prince et d’un si vaillant homme », et il le servit à genoux. En ce faisant, le Prince Noir, on le devine, ne s’humiliait nullement, et ne cédait pas un pouce de son orgueil, qui était grand… Les Anglais peuvent s’agenouiller devant les titres et même devant la fortune, ils se relèvent ensuite sans dommage. Pour eux, c’est toujours le soir de Poitiers, — ou bien la veille…