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se défendre. Il a besoin des jugements extérieurs. Ne fût-ce que pour les braver, il ne saurait se passer d’eux. Dès qu’il abandonne quelque chose, il s’avilit. S’il s’oublie un moment, il est détruit. Ailleurs qu’en Angleterre, il ne peut habiter une âme où le snobisme habite. Mais en Angleterre il se passe de points d’appui et de précautions. L’Anglais ne songe guère à prouver aux autres sa réalité. Il en est lui-même trop solidement convaincu, puisque à chaque minute son esprit constate son corps. La crainte de se diminuer s’il se courbe devant une valeur douteuse ne le traverse pas. Il est fier parce qu’il se sent être lui, avec une netteté extrême ; l’importance qu’il accorde aux autres n’altère pas cette forte sensation. Son orgueil ne connaît aucune intermittence, aucune incertitude, car il ne se localise pas dans la tête. Comme sa volonté, il est musculaire. L’Anglais peut adorer religieusement une aristocratie qui, religieusement, adore l’argent ; l’orgueil restera intact : il peut se permettre d’être snob !

Il l’est sans honte, sans restrictions, sans les railleries étouffées, le dénigrement féroce qui soulagent le snob français de sa rancune secrète. Le snob français, bien qu’il tienne infiniment à fréquenter au-dessus de son niveau social, subit avec impatience l’inégalité des conditions. L’Anglais ne souffre pas de cette inégalité. Chez lui, d’ailleurs, elle n’est que temporaire. La noblesse, incessam-