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Malgré ce gigantesque orgueil, les Anglais sont d’un snobisme auprès duquel celui des autres nations semble jeux d’enfants. On voit les plus grands d’entre eux, par la pensée et le caractère témoigner une déférence excessive au rang, même récemment conquis, même occupé par de médiocres individus. Cela paraît contradictoire ; cela ne l’est aucunement.

J’ai lu dans des livres que, autrefois, certaines personnes disaient : « Il n’est pas né », d’un pauvre être que sa mauvaise fortune privait de toute ascendance aristocratique. — Cela se dit peut-être encore ? Je ne sais. — Par une telle expression, ces personnes ne donnaient nullement à comprendre que la mère du pauvre être n’avait pas réussi à le mettre au monde par les procédés ordinaires, elles marquaient seulement que, à leurs yeux, il avait moins d’importance, c’est-à-dire moins de réalité que leurs congénères. Pour elles, ce misérable qui n’était « pas né » n’existait qu’à demi et elles lui faisaient un tort grave, car l’unique affaire de la vie, c’est de croire à sa propre existence et d’y faire croire ; d’exister le plus évidemment et pour le plus grand nombre de gens possible. La racine de l’orgueil est la notion d’une aptitude à prouver que l’on est. Dans la lutte pour vivre, chacun conteste à l’autre cette aptitude. L’orgueil intellectuel et conscient doit se garder et