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leurs livres ?… Elles l’ont trouvée au fond d’elles-mêmes, dans ce fond où le temps accumule, et chez chacun de nous, des bandits et des saints, de sublimes jeunes filles et des scélérats, tous les visages et toutes les aventures. Pour les ressusciter, il faut ne pas entendre trop distinctement les bruits du dehors qui entraînent l’attention sur les routes stériles et la dispersent, car, alors, on ne voit pas bouger dans l’ombre les figures intérieures, on ignore qu’elles sont là, et, faute de mieux, on s’essaye à reproduire très exactement la silhouette d’une dame que l’on croit connaître, à raconter l’aventure d’un monsieur qui fut votre ami, et on n’ajoute pas à l’humanité des êtres éternels, plus vivants que les vivants.

Les Anglais, lents à recevoir les impressions, peu soucieux de sonder le cœur des autres, ne laissant pas leurs forces sensibles collaborer à tout propos avec le moindre incident, n’évaporant pas leurs émotions en bavardages scintillants, ont créé un nombre prodigieux de ces êtres nécessaires.

« Les Anglais sont un peuple de muets », après avoir dit cela, Carlyle ajoute que leur silence les met en contact avec le mystère. Il a bien raison.

Dans les paroles, les regards, on trouve le mensonge ; pour atteindre la vérité mystérieuse, il faut habiter la citadelle.