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pareille, rapprocher des images, parcourir une série d’associations. Le travail fait, il ressent une peur appropriée au péril, et créée par lui. Cette peur logique est une acquisition de l’intelligence. Il en existe une autre, — la vraie, — qui ne réveille aucune image, et n’a besoin pour se produire de la présence d’aucun danger. Elle est là, à poste fixe ; elle hante les cerveaux les plus rudimentaires, ceux, même, des bêtes en liberté, qui, ne sachant rien de la mort ni de la souffrance, craignent pourtant : c’est la peur de l’inconnu et de l’incompréhensible. Les hommes l’ont éprouvée avant toute autre sensation. Elle a façonné leur âme. Harcelés par sa pointe vive, ils ont inventé les religions. Elle a mis, sous leurs dissemblances, une similitude, qui les réunit comme une fraternité occulte.

La peur, débilitante, eut une réaction nécessaire : la curiosité. La curiosité audacieuse, qui rompt les liens de l’incompréhensible, marche à la conquête de l’inconnu, et oblige la faible créature, trop épouvantée pour subir passivement son épouvante, à mettre sa main tremblante et hardie sur les mystères qui l’entourent : à savoir et à dominer, enfin !

La forme spéciale de leurs curiosités a établi les différences entre les hommes. Le caractère de l’objet qui s’offrit d’abord à leur curiosité, impose aux peuples leur caractère.

C’est un peu parce qu’ils habitent une île où il