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l’âme des anglais

premier livre que je me rappelle était un livre anglais, et, pour le second, j’ai longtemps cru, et je crois encore vaguement, que c’était aussi un livre anglais. J’ai su plus tard, que, dans ces deux livres, j’avais trouvé bien des choses.

L’un, Rosamond, contait les aventures diverses d’une petite fille. Ma mémoire n’en a gardé qu’une anecdote, mais précieusement ! Avec elle commença cette culture qui me donne parfois l’illusion de comprendre les Anglais, comme on comprend ceux auxquels on ressemble un peu.

L’aventure de Rosamond était ceci : se promenant avec sa mère, la jeune demoiselle voyait à une devanture de pharmacien un vase pourpre extraordinairement limpide, et pareil à un rubis brûlant. Le vase était si beau, si beau, qu’un désir passionné troublait la cervelle de Rosamond. Elle suppliait qu’on lui donnât cette rare merveille et avec une si déraisonnable insistance, que sa mère, — dame ironique, évidemment — achetait le vase. On devine le reste. À peine rentrée, la fillette, éperdue de bonheur, voulait mettre des fleurs dans son vase pourpre. Mais en s’approchant, elle le trouvait plein d’un liquide, dont l’odeur pharmaceutique lui déplaisait infiniment. Sans rien attendre, il fallait ôter cette terrible chose. Vidé, le vase devenait incolore. Toute sa splendeur s’en était allée. Le rouge de flamme, qui tentait la petite fille, appartenait au liquide nauséabond. Lui, pauvre vase, il n’était qu’un cristal vulgaire.