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l’âme des anglais

sent groupées avec un art si expressif ; que, durant des siècles, les générations fugitives ne détruisissent rien dans ces antiques demeures ; que les spectres ne se soient pas lassés de leur course dolente ; que boire, manger, agir, se reposer, vivre physiquement enfin, et constater que l’on vit, sans plus, soit en Angleterre un si puissant délice ; que le luxe y paraisse mieux qu’ailleurs justifié, à sa place, noble et naturel ; que des hommes et des femmes y atteignent à une telle perfection de formes ; que certains cœurs y soient déchirés par des peines si singulières : quelle audace et quelle niaiserie de prétendre à parler de l’âme anglaise. Et sans la connaître après tout !

Si elles n’ont guère d’excuses, les pires imprudences ont une explication. Voici la mienne.

J’admire l’Angleterre, — qui ne l’admire ! jusqu’à ceux qui l’exècrent, — mais surtout je l’aime. Je l’aime d’une tendresse familière, comme on aime ce qui a éveillé les premières rêveries.

Si nous avions une mémoire suffisante, nous verrions que nos goûts et nos dégoûts ne sont, la plupart, que le développement des notions rudimentaires de plaisir et de peine, acquises dans ces heures où, enfants, nous entrions en contact avec les possibilités et les résistances du monde extérieur. La base de notre personnalité est construite avec les images qui, au début, ont envahi notre