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notre Classe tenait sa séance mensuelle. J’avais l’honneur de la présider, et si, participant à l’émotion qui nous étreignait, j’ai pu bien mal me faire l’interprète de votre foi dans la patrie et dans la sainteté de notre cause, cette foi, du moins, je la savais, je la sentais indéfectible et capable de supporter toutes les épreuves. Et, en effet, elle les a supportées toutes. Sans faiblir, elle a résisté à la chute de nos forteresses, à la retraite de notre armée, à l’occupation quasi totale de notre territoire et, enfin, aux attentats les plus effroyables, les plus inouïs qui aient jamais déshonoré une invasion. L’atrocité de l’occupation augmentait avec sa durée. Dépité de la résistance de sa victime, l’agresseur s’acharnait sur elle avec une barbarie méthodique. Ce n’est pas seulement le corps, mais l’âme même de la patrie qu’il avait résolu de détruire. Falsifiant l’histoire comme il avait violé le droit, il faisait affirmer par ses savants à tout faire que cette nation, dont il était non seulement incapable, mais indigne de comprendre la raison et la volonté de vivre, n’était qu’un produit artificiel et éphémère de la politique. Avec une hypocrisie plus répugnante encore que sa cruauté, il se disait appelé à sauver les Flamands de l’oppression wallonne, et, recourant une fois de plus à ces fallacieuses doctrines qui répartissent les peuples d’après les langues, sans tenir compte de leur volonté, et qui ont si admirablement servi dans le passé les appétits conquérants de la Prusse, il édictait cette séparation administrative qui n’était qu’une forme déguisée de l’annexion, mais d’une annexion qui devait en même temps livrer au vainqueur, comme un simple butin, les corps et les âmes de tous les Belges.

Cependant, durant cinquante et un mois, ni les supplices, ni les déportations, ni l’esclavage rétabli sur tout un peuple n’ont pu venir à bout de notre endurance. Spectacle merveilleux, affirmation grandiose de la supériorité de la force morale sur la force tout court, si formidable, si savamment organisée qu’elle puisse être. Il n’est pas un Belge qui n’ait senti se cabrer, sous le choc