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ne sera pas celui qui tient ces discours ou qui impose ce livre : ce sera le père de famille qui n’aura pas consenti à laisser déformer l’âme de son enfant ; ce sera toute personne qui, par parole ou par écrit, se sera permis d’approuver ou de recommander la conduite de ce père de famille.

Et comme il reste que les membres de l’enseignement public peuvent commettre des délits véritables à l’encontre des droits de la famille, savez-vous, Pères de famille, qui, dans cette hypothèse devenant une réalité, vous devrez désormais poursuivre ? Eh bien non pas l’instituteur coupable, mais l’État, en la personne de M. le Préfet. Ainsi le veut le second projet de loi (30 Juin). Par une exception inouïe en droit naturel et en droit français, l’auteur du dommage que vous aurez subi se dérobera légalement devant vous. La loi s’apprête à le priver de l’honneur d’être responsable de ses actes, et, en son lieu et place, elle va faire surgir l’État !

« Loin de diminuer les droits du père de famille, » déclare le Ministre, non sans ironie, nous voulons le croire, « cette disposition ne tend qu’à les fortifier, puisqu’elle lui procure la garantie de l’État au lieu et place de la responsabilité des maîtres ». Mais quel père de famille voudra croire que la liberté de ses revendications éventuelles s’accroîtra du fait qu’il aura à les exercer contre un adversaire beaucoup plus puissant, d’une part, et, d’autre part, qui ne représentera qu’une responsabilité adoptive ou déléguée ?

Pourquoi cette déshonorante immunité qu’on projette de créer au profit du maître d’école ? L’exposé des motifs dit qu’il s’agit de le soustraire à la perpétuelle menace d’actions en justice. C’est là une inquiétude que ne connaissent pas les gens qui vivent irréprochables : ne suffirait-il pas que l’on invitât tous les instituteurs à s’en souvenir ?

Pour résumer toute la situation qui est la vôtre en regard de la législation scolaire déjà existante et mise en péril d’aggravation par les projets de loi des 25 et 30 juin derniers, Pères de famille, retenez ceci : l’école est obligatoire : de 7 à 13 ans, vos enfants lui appartiennent. Elle les marquera de son empreinte, c’est inévitable. De quelle qualité sera cette empreinte, vous avez le droit de le savoir et le devoir de l’apprendre.

Cependant, s’il arrive que, informés, vous ayez sujet de vous plaindre, sachez que désormais vous ne rencontrerez plus le coupable en face. Vous exercerez, s’il vous plaît de le faire, un recours auprès des autorités scolaires ou de M. le Préfet : recours laborieux toujours, et pour l’ordinaire, sans résultat efficace possible à prévoir. Évincés de votre plainte, si votre