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puis une dernière bordure de 18 centimètres formant une espèce de torsades entre deux raies noires, et enfin le fond blanc de 42 centimètres sur le côté le plus étroit de la pièce, et de 80 centimètres sur le côté le plus long. Revenons au carré intérieur dont chaque côté avait 2 mètres 16 centimètres de long, et dans lequel était inscrit un cercle de 1 mètre 16 centimètres de diamètre.

Aux quatre angles de ce carré se trouvait représenté une espèce de Triton, dont les bras élevés semblaient soutenir le cercle, et dont les jambes, recourbées et se terminant en queue de poisson, se prolongeaient à droite et à gauche jusqu’à la rencontre, au milieu de chaque côté, de la queue du personnage occupant l’angle voisin, de manière que tout l’espace compris entre le cercle et les côtés du carré était rempli d’une manière élégante et ingénieuse. Les contours du corps, des bras et des jambes sont marqués par des dés noirs qui tranchent fortement sur le fond blanchâtre de la mosaïque. Pour l’intérieur, on a employé des dés de toutes couleurs, rouges, jaunes, blancs et noirs. Le mouvement des membres et du corps est bien indiqué, et accuse chez l’artiste, à un assez haut degré, le sentiment de la forme. Quoique la matière soit grossière, puisqu’il n’a été guère employé que de la pierre et de la brique, les figures ne manquent pas de finesse et de délicatesse.

La mosaïque, dont j’ai tâché de donner une idée, me paraît appartenir au beau temps de la période gallo-romaine. Rien dans son style n’annonce une époque de décadence.

Des fragments de poterie, avec des dessins en relief assez curieux, un morceau de marbre vert antique et d’autres petits objets trouvés sur le pavé même de la mosaïque, annoncent que, lorsqu’il a été placé, les Romains étaient déjà établis dans le pays depuis un certain temps.

Il est regrettable que les dépenses énormes qu’occasionnent les déplacements de terre n’aient pas permis de fouiller d’une manière un peu régulière et un peu étendue le terrain qui s’étend depuis le pied des remparts de Soissons jusqu’aux bords de l’Aisne. Les fouilles qui auraient été faites n’auraient sans doute pas été sans résultat, car c’est dans cette plaine de Saint-Crépin que le peuple qui fut tout par la guerre et ses victoires établit un de ses plus immenses arsenaux, et que la religion, qui, elle, dut ses conquêtes à la douceur et à la persuasion, éleva un de ses plus beaux monastères, aux lieux mêmes où étaient tombés deux saints martyrs.