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surtout aux Indes, d’où il rapportait un récit, d’un tour agréable et simple : Six Mois aux Indes.


Dernière photographie du prince Henri d’Orléans.
(Phot. Ogerau)

Peu de temps après son retour, le prince Henri renonça à mener la vie de grand seigneur oisif, qui aurait pu le tenter et le retenir à Paris. Son frère, le duc de Chartres, l’associa à M. Bonvalot dans la redoutable exploration du Thibet inconnu que ce voyageur accompli allait entreprendre. Le prince partit joyeusement pour cet âpre voyage. Le 1er septembre 1889 les deux explorateurs, auxquels s’était joint un missionnaire belge du Turkestan, le Père Dedecken, qui avait choisi cette route aussi difficile que détournée pour rentrer en Belgique, franchissaient la frontière de Chine. Le 26 décembre 1890 ils émergeaient de l’inconnu, arrivant sur les bords du fleuve Rouge. Comme l’écrivait plus tard le prince Henri, ils venaient d’aller de Paris au Tonkin par terre. Sur ce long itinéraire ils avaient franchi 1.500 kilomètres de plateaux et de cols, dans les régions les effroyables du Thibet, entre la plaine du Turkestan et les vallées thibétaines du sud, qui renferment presque toute la population de cette province. Ce que dut être ce voyage, fait en plein hiver, à des altitudes constantes de 4 à 5.000 mètres et quelquefois plus, ceux qui ont entendu M. Bonvalot, lors de la réception qui lui fut faite, à lui et à ses compagnons, Sorbonne, par la Société de Géographie, ont pu le deviner. Le prince Henri, qui partagea avec le chef de la mission et le Père Dedecken la médaille d’or de la Société de Géographie, trouva à son retour la notoriété, on pourrait même dire la popularité. Il revint explorateur consacré. Mais, ce qui valut encore mieux, il revint trempé, prêt à de nouveaux voyages : ce n’est pas en vain qu’il avait été entrainé sur un pareil terrain par une énergie comme celle de M. Bonvalot.

Depuis lors, les voyages du prince se sont rapidement succédé. Les séductions de Paris ne l’ont jamais retenu longtemps. Il parcourut les pays voisins du Tonkin avant le règlement des frontières avec le Siam et la Chine. En 1893, il rapporta de ce voyage un ouvrage très intéressant : Autour du Tonkin. C’est peut-être le meilleur des écrits du prince Henri. Avec cette faculté de description agréable que l’on remarque dans tous les autres, il exprime beaucoup d’idées générales, en particulier en ce qui concerne situation et la l’avenir du Laos. Le prince Henri, voyant les Siamois à l’œuvre, avant qu’ils n’eussent lassé notre patience et nous eussent obligés à les rejeter à l’ouest du Mékong, a décrit de la manière la plus heureuse leur brutalité sournoise et en même temps leur « rastaquouérisme » ridicule de parvenus, conquérants des peuples frères du leur qu’ils avaient rencontré au Laos, dont ils déportaient les uns dans la vallée du Ménam, tandis qu’ils écrasaient les autres d’impôts.

En 1894, le prince voulut goûter à l’Afrique, et il fit un beau voyage à Madagascar. Mais l’Asie l’attirait toujours ; sans même rentrer en France, changeant simplement de bateau à Aden, il se rendit en Indo-Chine. Là, il prépara le principal voyage d’exploration qu’il lui était réservé de faire : celui du Tonkin à la vallée du Bramahpoutra, en coupant les vallées du Mékong, de la Salouen et des hautes rivières de l’Iraouaddy. Le prince Henri qui perdit, au moment de partir, son compagnon de Madagascar, M. de Grandmaison, fut accompagné par M. Émile Roux, enseigne de vaisseau, et M. Briffaut, dans cette exploration à laquelle il donnait surtout pour but la reconnaissance du Mékong dans la région intermédiaire entre les