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L’Asie française

Les caractères persans ourdous présentent de sérieuses difficultés por l’enseignement primaire ; nous devyons étudier dans quelle mesure nous pouvons améliorer, simplifier ou changer notre alphabet.

Le fait que l’Anglais n’emploie pas rationnellement l’alphabet latin pour représenter les sons n’est pas un argument contre l’usage de cet alphabet, puisque d’autres langues, par exemple l’italien, l’utilisent correctement. D’autre part, il n’y a aucune raison pour qu’un alphabet basé sur le latin ne puisse pas représenter le système des sons du sanscrit.

M. Latitifi lut un rapport inédit d’un fonctionnaire de l’Enseignement public dans I’Inde ; malgré sa longueur, et vu son intérét, nous croyons devoir le mettre sous les yeux de nos lecteurs :

Beaucoup des langues littéraires de l’Inde, y compris certaines qui ne sont pas d’origine indo-germanique, s’écrivent avec des caractéres identiques, ou apparentés de prés, au devanagari, que nous pouvons, pour la question qui nous occupe, considérer comme identiques au sanscrit ; si donc on peut prouver qu’il est possible d’écrire le sanscrit avec plus (exactitude phonétique et de facilité, de clarté et de simplicité en caractéres latins qu’en devanagari, on établira, du méme coup, dans une large mesure, non seulement la capacité, mais la supériorité du latin sur le devanagari ou les alphabets analogues pour écrire les langues phonétiquement semblables au sanscrit ou susceptibles de s'écrire en devanagari ou dans un alphabet apparenté,

Dans la prononciation du sanscrit, le devanagari reconnait 30 sons, représentés par les savants européens par 31 signes, dont 24 existent en anglais, 8 sont des caractéres latins avec des marques diacritiques, un représente le son ng, et un est le « macron » des voyelles longues ; on peut supprimer les marques diacritiques en créant 8 lettres nouvelles. Aux 30 sons correspondraient 30 caractéres latins faciles à écrire et à distinguer, d’un emploi régulier et méthodique, le méme signe représentant toujours le méme son. Le devanagari, au contraire, emploie à cet effet 280 signes compliqués, parce qu’il lui faut des signes composés pour les sons complexes.

Bien que certains alphabets basés sur le devanagari, comme le canarese, présentent moins de complications, aucun ne peut soutenir la comparaison avec le latin, du point de vue pratique, scientifique ou esthétique. Voici les avantages de ce dernier :

1o Les caractéres latins sont plus simples done plus faciles à lire et à écrire ;

2o Le nombre en est beaucoup moins grand, avantage considérable pour celui qui apprend la langue et pour l’imprimeur ;

3o On peut les imprimer dans un corps beaucoup plus réduit ;

4o Ils ne comportent pas de signes composés, qui sont une source de confusion ;

5o La suite des signes correspond a la suite des sons (dans le devanagari, au contraire, si un i bref, par exemple, suit une consonne, le signe qui le représente précéde la consonne, méme si celle-ci appartient à la syllabe précédente) ;

6o La division des mots est observeée, celle des syllabes peut étre indiquée, ce qui n’existe pas dans le devanagari.

La preuve la plus convaincante de l’infériorité du devanagari est son remplacement par d’autres alphabets, moins pratiques cependant que l’arabe, tels que le kaithi dans le Behar et le landa dans le Pendjab. Dans son ouvrage capital, Linguistic Survey of India, sir George Grierson a réussi a représenter les sons de 179 langues etde 544 dialectes par un systéme de caractéres latins susceptible d’amélioration. Il suffirait de créer un petit nombre de lettres nouvelles pour pouvoir écrire, sans marques diacritiques, toutes les langues et tous les dialectes de l’Inde.

Rien de tout cela n’est nouveau : l’adoption de l’alphabet latin fut préconisée, il y a un siècle et demi, par sir William Jones ; l’idée fut reprise, vers 1835, par sir Charles Trevelyan et ses amis ; les missionnaires ont continué ce mouvement ; le Gouvernement de l’Inde a inséré dans le Manuel d’instruction de l’armée indienne le paragraphe 25, qui dit:

L’ourdou en caractéres latins est la langue, parlée et écrite, commune à toute l’armée ; on l’enseignera dans toutes les unités.

M. Latifi demande que le Gouvernement de l’Inde suive l’exemple de celui de la Côte de l’Or et nomme une commission chargée, avec l'aide de techniciens compétents, d’établir un alphabet basé sur le latin et plus simple que l’actuel. C'est ce qui a été fait au Soudan, avec un plein succès ; un systeme trouvé facile par les nègres de l’Afrique occidentale ne sera sûrement pas trop difficile pour les soldats et les officiers de l’armée indienne ; une fois adopté par celle-ci, il se répandra rapidement dans toutes les classes de la population.

C’est a cette Commission qu'il appartiendrait de fixer les détails ; M. Latifi s’est conteni¢ de faire quelques suggestions :

1o Il y aurait une seule série de caractéres, les capitales étant simplement des minuscules plus grandes et plus épaisses ;

2o Chaque son serait représenté par un signe, même les sons complexes. Les expériences de M. Lamare (E. Javal, Physiologie de la lecture et de l’écriture, Paris, 1906, p. 127 sqq) ont prouvé que l’œil lit les caractéres latins par groupes d’une dizaine a la fois ; il y a donc avantage à ne pas représenter un son par plus d’un signe ;

3o Les caractères écrits seraient aussi semblables que possible aux imprimés ;

4o On adopterait le plus de majuscules latines possible, elles sont plus claires que les minuscules ; on pourrait emprunter les autres signes aux alphabets arabe, devanagari, grec, slavonique, et à celui de |’Association phonétique internationale ;

5o Les caractéres latins ne seraient pas modifiés ; pour les autres, on consulterait des fondeurs de caractéres et des oculistes, pour obtenir la

méme lisibilité pour toutes les lettres un trait