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L'ASIE FRANÇAISE 239 suivre des relations diplomatiques normales avec la nation russe », le ministre russe et les con- suls de Russie en Chine « ne doivent pas être trantes plus longtemps en agents diplomatiques par notre pays . Les relations amicales de la Chine avec le peuple russe restent les mêmes et a Chine s'en tiendra « au principe de la plus riete neutralité en ce qui concerne les luttes C'est là un fait d'offensive qui alarme beaucoup intérieures de la Russie ». Ce décret annule le plus les Russes (et non pas seulement les Russes) statut des ressortissants russes et de leurs biens que la défensive ou la contre-offensive chinoise. en Chine, tel que l'ont établi les traités russo- chinois de 1689, 1727, 1851, 1858, 1860, 1861 et tous les autres traités et conventions qui en dé- rivent. Il tend à ruiner l'euvre de deux siècles d'efforts et de politique des Russes en Chine. Que pensent ceux-ci et comment répondent- Dès le mois de juin 1918, il fut question de la ils? Le prince Koudachev, le ministre russe en Chine, a fait entendre la protestation solennelle de l'ancienne Russie; il a résumé toutes les style n'eut pas de suite. Mais, devant la menace infractions aux traités commises par le gouver- nement chinois au cours des trois dernières Sibérie, devant les difficultés surtout de l'évacua- années, et en particulier son ceuvre de reprise en Mongolie et Mandchourie. Protestation plato- Le Japon envoya un premier corps de troupes au nique, venant du représentant de l'ancienne Russie. Reste la Russie nouvelle, la Russie des Soviets défini et proclamé (déclaration japonaise du (de la Russie sibérienne, impuissante encore, nous parlerons dans un prochain article)... De Tehéco-slovaques. la Russie des Soviets, la Chine ne doit pas craindre, semble-t-il, la protestation. N'est-ce danger allemand, le Japon déclara retirer de pas, en effet, l'euvre tsariste qu'elle défait en Asie? Le 18 mars 1920, le commissaire du peuple laisser qu'environ 25.000 hommes. Restait le aux Affaires étrangères s'adresse « au peuple de danger bolcheviste en Sibérie contre lequel l'ami- Chine, au gouvernement de Pékin et au gouver- ral Koltchak s'était levé (fin 1918). L'accord des nement du Sud-Ouest » pour leur annoncer que, alliés fut loin d'être parfait et leur politique loin Koltchak vaincu et la Sibérie reconquise, les bolcheviks apportent aux peuples d'Extrême- d'agir au gré d'un entourage déplorable. Au bout Orient la liberié; ils veulent restituer à la Chine de quelques mois d'une politique et d'une guerre tout ce qui lui avait été pris par le gouverne- malheureuses, l'amiral fut vaincu, livré et exé- ment tsariste : restitution à la Chine de la Mand- chourie et du chemin de fer de l'Est chinois; jusqu'au Baikal et les éléments démocratiques abolition des privilèges et des droits des Russes en Chine; annulation des concessions de mines, orientale. Les Alliés avaient fait la preuve de leur de forêts octroyées aux marchands russes Chine; remise en vigueur, pour les Russes en Chine, des lois et des tribunaux chinois; guerre Japonophobie des Russes était aiguë. au traité de Versailles « qui veut faire de la Chine une Corée ou une Inde nouvelles ». D'un mot, c'est la paix universelle, sans indlemnité, ni sanctions : frères, embrassons-nous! Mais la Chine se méfie de la pax bolchevica. Depuis des mois, on négocie de part et d'autre. La lui-nrême, en danger d'ètre atteint par la vague diplomatie de Moscou est tenace. Les négocia- bolcheviste qui, le rempart koltchakiste emporté, tions aboutiront, écrivaient récemment les Isvestia. « Les Chinois sont suffisamment orientés pour comprendre quel est le vrai levier de la Etats-Unis le danger allemand n'existe plus, politique mondiale dans le camp des vainqueurs... l'évacuation des Tehéco-slovaques est terminée, La république chinoise abandonnera ses tergi- versations pour entrer dans le chemin des affaires et pour conclure un accord amical avec la Répu- blique soviétique en Extrême-Orient. » Mais, pour se faire reconnaitre par la Chine, Hara, l'armée japonaise lui barre le chemin. » quels gages la Russie des Soviets lui abandon- nera-t-elle en Asie? Là est le point intéressant. II LA PRESSION MILITAIRE DU JAPON EN SIBÉRIE Si, du côté de la Chine, l'expansion séculaire de la Russie est arrètée et même en voie de recul, sur le Pacifique, l'expansion japonaise avance. La Chine se défend, le Japon a l'apparence d'at- taquer. Quand et où s'arrêtera-t-il Et d'abord le veut-il? S'il le veut, le pourra-t-il? C'est la révolution russe qui a amené l'inter- vention du Japon et celle des alliés en Sibérie. défense de la Sibérie par le Japon. Pour des rai- sons surtout « américaines », ce projet de grand des prisonniers austro-allemands, nombreux en tion des Tehéco-slovaques, les Etats-Unis cédèrent. mois d'août 1918, pour une intervention concer- tée avec tous les Alliés. Le but en fut nettement 3 août 1918): protéger et assurer l'évacuation des L'armistice de novembre faisant disparaitre 'le Sibérie le gros de l'armée expéditionnaire et n'y de s'harmoniser. Koltchak fut à peu près libre cuté. Les bolcheviks étaient maitres de la Sibérie russes responsables de l'organisation de la Sibérie en impuissance en Extrême-Orient; leur impopula- rité était énorme dans toute la Sibérie, surtout la Situation nouvelle pour le Japon, comportant droits et devoirs nouveaux. Venu pour prêter son concours à la police internationale des Alliés en Sibérie, il se sentit à cette heure critique, il se crut ou, tout au moins, il se déclara en danger déferlait en Asie. Pouvait-il, comme les Alliés, abandonner le champ de bataille, dire, comme les nous n'avons plus le droit de rester. Sa situation « géographique » le lui interdit. « Si Lénine est assez imprudent pour dépasser la région qu'il a atteinte actuellement, déclara le président Kei Lénine se montra prudent et s'empressa d'offrir la paix au Japon. L'ASIE FRANÇ AISE. - JUIN 1921. 2. RETRO