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DE L’ASIE FRANÇAISE

n’avait rien à gagner, où elle avait, au contraire, tout à perdre ! aujourd’hui, Messieurs, grâce à son infatigable énergie, à son indomptable activité que ni le climat, ni le travail, ni la fatigue ne rebutent et ne découragent, le gouverneur général, après quatre années d’efforts, a porté l’Indo-Chine à un tel degré de sécurité et de développement qu’elle peut défier toutes les incertitudes de l’avenir et qu’elle assure à la France dans les mers de Chine une situation désormais prépondérante désormais prépondérante. (Applaudissements répétés.)

L’Indo-Chine française sera pour nos intérêts en Extrême-Orient j’allais dire le salut ; elle en est tout au moins la vivante espérance ; elle a d’immenses ressources qui s’affirment et se développent chaque jour ; grâce à état d’esprit qui anime les populations, l’ordre et la tranquillité ne cessent de régner. Des sceptiques ou des ignorants prétendent que ce pays est tourmenté du désir de s’éloigner de nous, sinon de secouer notre joug, en préférant à notre domination celle de ses anciens maîtres, N’est-il pas plus vrai de dire que le peuple annamite n’a pas pu ne pas se rendre compte des bienfaits que lui apporte notre présence et qu’affirme la tranquillité que nous assurons à sa vie économique et sociale ? (Très bien ! très bien ! )

Non, Messieurs, ce peuple ne saurait songer à se soulever contre nous. S’il fut un moment où il aurait pu être tenté le faire, c’était bien, ce me semble, à l’heure où des désordres éclataient aux frontières mêmes du Tonkin, où la Chine toute entière était comme secouée par de redoutables convulsions. Eh bien, toute cette agitation s’est arrêtée au seuil même de nos territoires et jamais notre empire indo-chinois n’a été plus tranquille, plus sûr de lui-même. (Vifs applaudissements.)

Il est donc permis d’affirmer que notre action est désormais établie là-bas sans conteste, que la France y possède une colonie riche, prospère et puissante qui, demain, sera pourvue de tous les moyens d’assurer sa propre défense ; qui, dans quelques années, aura ses coffres assez garni pour prendre à sa charge les dépenses militaires que la France acquitte encore momentanément ; une colonie, enfin, qui par son rayonnement pacifique, au Nord comme à l’Ouest, donnera à la France le surcroît de grandeur qui lui est nécessaire en assurant sa légitime influence sur les contrées qui l’avoisinent. (Applaudissements.)

Messieurs, vous me permettrez de dire à l’ami qui est à ma droite toute la profonde reconnaissance que lui le monde colonial. Cette reconnaissance, il la mérite par l’étonnante activité dont il ne cesse de donner des preuves. Il est de ces hommes dont l’énergie et la foi sont portées à une telle hauteur qu’ils confondent ceux qui savent apprécier les hommes et les choses à leur juste valeur. Quant à moi, je connais peu d’exemples d’une vie aussi bien remplie, je n’en connais pas d’une vie mieux remplie. (Vive approbation, — Applaudissements.)

Je parle de lui avec toute l’affection que je lui porte depuis que je le connais. Dès le premier jour, il m’a attiré par sa crânerie et par sa volonté, et quels qu’aient été nos sentiments sur les choses de la politique intérieure, toutes les fois qu’il s’est agi des intérêts permanents de notre pays, nous avons toujours marché dans la plus parfaite union. (Très bien ! très bien ! )

Permettez-moi de lui exprimer au nom de tous, ici, notre admiration et notre reconnaissance. Plus de quatre années se sont écoulées depuis qu’il est parti pour l’Indo-Chine, il va y retourner de nouveau pour quelque temps. On ne peut pas demander à un homme, si vaillant qu’il soit, de sacrifier indéfiniment sa santé et celle des siens, Tout effort a une limite. Mais pendant le temps que M. Doumer passera encore là-bas, soyez persuadés, Messieurs, qu’il accomplira encore de belles et grandes choses, (Applaudissements.)

Puissiez-vous, mon cher Doumer, emporter de cette soirée cette pensée aussi douce que réconfortante, que tous les Français sans exception, à quelque parti qu’ils appartiennent, ont pour vous les sentiments qui sont dus non seulement à l’œuvre grandiose que vous venez d’accomplir, mais à l’homme de cœur que vous êtes. (Vifs applaudissements.)

Et vous, mon cher Beau, qui venez d’être désigné pour aller en Chine par un ministre à qui, depuis de longues années, j’ai voué une vive affection, qui a témoigné, depuis qu’il est au quai d’Orsay, du souci profond qu’il a des intérêts du pays, qui a montré toute son habileté et sa fermeté dans des circonstances que personne n’a oubliées, vous qui avez été son collaborateur fidèle et avisé et qui avez déployé à ce moment des qualités de sang-froid, de méthode nette et précise, vous allez recueillir la succession d’un homme dont je ne saurais parler sans une profonde émotion (Applaudissements répétés), d’un vaillant Français qui, au milieu des événements les, plus tragiques et des pires dangers, ayant le souci des responsabilités terribles qui pesaient sur lui, éprouvant les plus vives inquiétudes sur le sort des êtres qui lui étaient le plus chers, de sa femme et de son jeune enfant, a tenu le drapeau français avec une fermeté que rien n’a pu ébranler. (Nouveaux applaudissements.)

Avant de vous dire tout ce que nous pensons de vous, permettez-moi d’adresser à celui qui, à Pékin, a si bien servi son pays, l’expression de notre reconnaissance et de notre admiration (Applaudissements et bravos), ainsi qu’à ses admirables collaborateurs, aux soldats et aux marins de la France (Nouveaux applaudissements) qui ont si vaillamment, si noblement fait leur devoir, qui ont hautement affirmé là-bas les qualités de notre race, en montrant que, partout, la France sait faire son devoir sans cesser d’être généreuse et humaine. (Vifs applaudissements.)

La tâche qui vous est offerte, mon cher ami, est grande, mais elle est difficile, Vous aurez non seulement à maintenir, à raffermir les traditions du passé, mais tout l’avenir à réserver ; vous aurez à surveiller les agissements de ceux dont l’ambition est toujours prompte et parfois excessive, et vous aurez à faire la part de la France au jour des règlements de compte.

Avec l’habileté que je vous connais, avec la fermeté qui est le propre de votre caractère et le sang-froid dont vous avez si souvent fait preuve, j’ai la certitude que là-bas les intérêts de la France seront en de bonnes mains. (Très bien ! très bien ! )

Partez avec confiance, mon cher ami, avec la pensée que vous laissez derrière vous bien des cœurs qui vous aiment et qui vous suivront avec la plus fidèle attention. je ne redoute pas le découragement chez vous, vous ne le connaissez pas. Vous marcherez hardiment vers Le but que vous vous êtes assigné : bien servir la France en défendant bien ses droits et ses intérêts. (Très bien ! très bien ! )

Messieurs, vous le savez, dans toutes nos possessions indo-chinoises, en Cochinchine, au Cambodge comme au Laos, en Annam comme au Tonkin, le drapeau est fièrement et solidement tenu par le gouverneur général de l’Indo-Chine. Il le sera non moins fièrement et non moins solidement à Pékin par le représentant de la France. (Applaudissements.)

Et maintenant, Messieurs il me semble qu’au-dessus de cette fête plane la figure de celui qui a été, on peut le dire, l’initiateur, le fondateur de la politique coloniale française. Il m’apparaît que celui qui s’est dépensé avant tant d’abandon, qui a donné à la France tout ce qu’il avait d’énergie, de dévouement et de cœur, dont le courage n’a jamais faibli sous les pires outrages ni sous les pires calomnies, qui a résisté à tous les assauts, même à ceux de ses amis, pour faire triompher la politique qui était au plus profond de son cœur de bon et de grand Français,