Page:Bulletin de la société géologique de France - 1re série - 2 - 1831-1832.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

adressée par lui à M. Letronne, membre de l’Institut, professeur d’histoire et de morale au collège de France.

« Monsieur, dans vos dernières leçons, auxquelles j’ai eu l’honneur d’assister, vous avez suffisamment prouvé, par une suite de raisonnemens profonds, appuyés sur les faits, que le déluge se la Samothrace, d’après les termes dont se sert Diodore de Sicile, qui nous en a conservé le souvenir (livre V, chapitre 46), n’avait pu avoir lieu par suite de l’irruption du Pont-Euxin, par le détroit des Cyanées, dans la Propontide, et de là, par l’Hellespont, dans la mer Égée.

« Telle était aussi l’opinion que je m’étais formée, après avoir visité les lieux dans le courant de 1830, opinion que je publiai alors dans une note insérée au Courrier de Smyrne. Je fondais mon opinion, d’abord avec le général Andréossy, sur l’examen géographique et topographique des lieux, mais en outre sur des considérations géognostiques qui m’avaient amené à reconnaître que l’ouverture des détroits du Bosphore et des Dardanelles n’avait pu être due la une cause telle que l’irruption de la mer Noire, et que si cette irruption avait réellement eu lieu, elle ne se serait pas faite de la mer de Marmara, dans la mer Blanche ou Méditerranée, par le détroit des Dardanelles, mais bien par l’isthme d’Exmilia, qui réunit la Chersonnèse de Thrace au continent : cependant c’est seulement dans l’hypothèse d’une irruption semblable, qui suppose une certaine lenteur, qu’une pertie du récit de Diodore de Sicile pourrait s’expliquer, quand il dit que les habitans se sauvèrent et eurent le temps de se réfugier dans les montagnes, circonstance qui n’aurait pu avoir lieu dans le cas d’une submersion occasionnée par une violente secousse de tremblement de terre, ou de quelque autre phénomène volcanique ; et en effet vous avez rejeté cette circonstance comme incompatible avec le reste du récit, et vous l’avez considérée comme une de celles que l’imagination du peuple effrayé ajoute en pareil cas aux circonstances véritables.

« D’un autre côté, le passage du même auteur, ou il dit : que c’est ce qui explique clairement comment, longtemps après, on vit des pécheurs de l’île retirer de leurs filets des chapiteaux de colonnes, débris de villes submergées lors de cette terrible catastrophes ne pourrait pas non plus s’expliquer dans la supposition de l’irruption de la mer du Pont ; car, dans cette hypothèse la mer de Thrace, momentanément exhaussé, n’aurait