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est porté à le croire en voyant le bas prix des places trois sous pour entrer douze sous au maximum pour s’asseoir sur le théâtre ![ faudrait, à la vérité, savoir combien cela représentait en argent de France, et quel était, dans la région, le pouvoir d’achat de cette menue monnaie mais, cette correction faite, il reste certain que le tarif imposé par le Magistrat (comme partout en France) était exceptionnellement bas. Encore prévoyait-on ce que je n’ai rencontré nulle part encore et qui est bien significatif des réductions pour les enfants. Les Audomarois allaient donc en famille voir les « farceurs » ? Ce serait là un piquant trait de mœurs.

Vous avez certainement raison de penser que la présence d’un élément militaire important agit sur la vie théâtrale de votre cité mais je voudrais, sur ce point, dissiper une )égère équivoque. Vous signalez, après les Évêques, « deux autres classes d’opposants dont l’obstruction a gêné considérablement les comédiens de métier, à savoir les Jésuites et les garnisons ce terme d’opposant m’inquiète un peu. Sans doute les officiers se livraient à des « manifestations tumultueuses et brutales » ils se tenaient fort mal d’habitude le haut commandement l’avouait, et j’ai montré dans mon étude (Ch. !X Le service d’ordre) quelles paradoxales conséquences il tirait de cet aveu. H est exact aussi qu’en bien des endroits le sans-gêne soldatesque éloigna du théâtre l’élément civil, amenant ainsi la décadence de certains théâtres prospères, celui de Valenciennes par exemple mais cela ne s’est produit que plus tard, sous Louis XVI, et n’empêchait pas d’ailleurs les militaires de réclamer les comédiens, de les imposer aux municipalités récalcitrantes, comme il advint à Cambrai notamment. I) me paraît assez difficile de les ranger parmi les « opposants » à côté des gens d’Eglise. Quant aux Jésuites, votre opinion aurait surpris, scandalisé peut-être, l’impétueux abbé Bertrand de La Tour, dont les vingt volumes de Réflexions morales parurent précisément à partir de 1763. H y accuse en effet la Compagnie et ses collèges d’avoir partout « fait désirer le théâtre public de lui avoir « ouvert la voie d’en avoir jeté les fondements Pour ma part je continue à penser que cette imputation ne tient pas debout mais je vous avouerai que l’hypothèse contraire me laisse également sceptique. Il est vrai que des Pères ont prêché contre le théâtre, à Brest, à Metz peut-être, ailleurs encore sans doute mais d’autres religieux, tant réguliers que séculiers, agissaient de même, et ne désiraient certainement pas défendre le théâtre de collège contre les comédiens de métier. Je connais un cas cependant où des Jésuites enseignants