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« Paris, le 3 vendémiaire, an 6.

« Le ministre de la Police générale aux administrations centrales des départements, aux bureaux centraux et administrations municipales des cantons de la République.

« La République a triomphé le 18 fructidor. mais ses ennemis vaincus ne sont que dispersés. un de leurs plus puissants instruments, celui qui, après la plume empoisonnée des libellistes, a le plus servi leurs desseins pour la dépravation de l’esprit républicain, c’est le théâtre. Ils en avaient usurpé la direction. Il est temps qu’elle rentre dans les mains des magistrats du peuple.

« que le théâtre s’épure. que toutes les lois qui règlent la surveillance et l’autorité des administrateurs sur les spectacles soient remises en vigueur, c’est le vœu de l’article 356 de l’acte constitutionnel et le salut public l’exige.

a Ces lois, vous les trouverez rappelées dans l’arrêté du Directoire exécutif du 25 pluviôse de l’an 4, inséré au Bulletin des lois. Si son exécution n’eût pas été négligée, si des magistrats prévaricateurs, complices des conjurés royaux, au lieu d’encourager par l’impunité et souvent même par leurs applaudissements les désordres de la scène, eussent rempli leurs devoirs, les airs chéris de la victoire n’auraient pas été proscrits des théâtres on n’aurait point abandonné les pièces dramatiques qui retraçaient les glorieux événements de la Révolution et les vertus des défenseurs de la liberté pour faire reparaître les pièces les plus propres à rappeler la honteuse superstition de la royauté et à consacrer les préjugés les plus méprisables, ceux mêmes qui, avant la Révolution, étaient l’objet du dédain de tous les hommes éclairés, et qu’un de nos plus grands poètes avait frappés il y a plus d’un siècle d’un ridicule et d’un odieux ineffaçables.

« On n’aurait point vu les artistes eux-mêmes payer les bienfaits de la Révolution de la plus scandaleuse ingratitude, oubliant qu’elle les avait affranchis d’un préjugé ignominieux, que l’égalité leur avait donné le rang et les droits du citoyen. Croire s’honorer en en dédaignant le titre et lui substituant cette dénomination banale qu’on leur refusait même publiquement, dans ce temps que plusieurs semblent regretter, où, jouets des volontés du’ prince et des caprices du public, assimilés en quelque sorte aux animaux destinés au spectacle, frappés d’une excommunication politique et religieuse, ils ne jouissaient ni du droit commun ni de la sépulture commune.