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L’affaire de la troupe repoussée en 1769 occupe environ le dernier de l’article. Félicitons-nous de connaître maintenant le texte même des lettres échangées à ce propos entre le Gouverneur de Normandie, duc d’Harcourt, et les Échevins. Le premier s étonne, avec une hauteur passablement acrimonieuse, de ce qu’on s’est permis de refuser l’autorisation à des comédiens qu’il protège et dont la présence est, paraît-il, « désirée de la noblesse et des principaux habitants de cette ville ». Toutefois il désire (pesons bien ici la valeur de chaque terme) que les échevins lui rendent compte » de leurs motifs, et, s’il consent à ce que les comédiens jouent, c’est à la condition qu’ils prendront « l’attache du Sr Chevillard, à qui j’ai accordé mon privilège des spectacles pour la Haute-Normandie ».

On sait ce que signifie cette obligation de « prendre l’attache du S’’ Chevillard » cet entrepreneur priviligié a le droit de percevoir une redevance, généralement lourde, sur tout spectacle donné sur son domaine est-il comédien lui-même ou simplement homme d’affaires ? En tous cas je n’ai retrouvé son nom dans aucune troupe de cette époque. Était-ce un gaillard de même espèce que l’avocat Petit de Boulard à Bordeaux ? On peut se le demander. Quoi qu’il en soit, voici donc une mention nouvelle d’un privilège provincial, accordé par un gouverneur, en 1769 au plus tard la découverte est importante, car je n’avais jusqu’ici rencontré de trace que d’un privilège de Basse-Normandie, que je croyais créé en 1779, en faveur de la Montansier. Après les documents révélés par notre confrère M. Isnard (Voir notre préc. Bull., p. 44), le texte publié par M. Quesnot apporte à son tour des indices précieux touchant la question encore si obscure de l’origine du privilège provincial. Notons seulement deux choses au passage la première, que ces nouveaux faits ne détruisent pas la primauté du privilège de Guyenne, qui paraît toujours avoir servi de modèle aux autres (Voir Vie théâtrale en province, p. 134 sq.) en second lieu, que d’Harcourt, malgré son aigreur, ne prétend pas imposer sa volonté au corps municipal, comme le feront plus tard un Robecq, un Talleyrand-Périgord, un La Tour du Pin. (Voir ibid., p. 140 sq.).

La réponse des Échevins n’est pas un texte moins important. Nous y voyons que, parmi la population, éclairée, susceptible de s’intéresser aux représentations, une fraction notable continuait à s’en éloigner par scrupule religieux qu’ainsi Dieppe n’était pas une ville où les troupes pussent faire de longs séjours indication à retenir par quiconque voudra connaître la circulation comique de ce temps. M. Quesnot paraît enclin