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Lounatcharski ne la sauva pas. Elle fut sévèrement critiquée comme trop naïve et d’un matérialisme par trop vulgaire. En 1929, le marxisme russe avait déjà renoncé à établir à tout prix une dépendance immédiate entre les formes économiques et artistiques. H ne craignait plus d’admettre une liberté relative de la superstructure qu’est l’art. L’Histoire du Théâtre soviétique présentée au début de cet aperçu traite le théâtre en fait politique et culturel, en fonction du dynamisme social se concentrant sur l’analyse sociologique qui, toujours plus habile et pénétrante, forme actuellement le dernier Congrès international des sciences historiques à Varsovie a permis de le constater le fond des méthodes historiques marxistes. Pour la période étudiée dans le premier tome (1917)92i). la classe qui entre en ligne de compte est celle des intellectuels russes. L’histoire des styles dominants est aussi l’histoire de leurs goûts et conceptions, produit d’une philosophie, d’une esthétique socialement déterminées. Ainsi apparaissent les profondes causes morales des courants symboliste et décadent, avec leur renoncement à la réalité, leur mysticisme, leur hédonisme intellectualiste aboutissant à la tragédie du solipsisme. Un profond abîme sépare l’élite artistique des masses populaires. Le théâtre s’anémie dans le jeu sans but de l’art pour l’art au point que les éléments avancés, recrutés parmi les professions libérales, se mettent à souhaiter l’avènement du spectateur populaire. Mais ils ne l’attendent qu’en qualité de spectateur naïf et sain, sans en espérer un apport actif. Sur ce fond d’états d’esprit décadents l’analyse très documentée du répertoire, des formes de mise en scène, de l’opposition que prêtèrent à la révolution victorieuse les scènes bourgeoises et les professionnels, apparaît comme fort convaincante.