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à Rennes. Nous la reproduisons en ajoutant la ponctuation et les accents :

«… Le second jour de leur route, la dite Meunier estante à cheval derrière ledit Aubert, qui suivoit de loin la litière où estoit sa femme, ledit Aubert fit descendre ladite Meunier, qui n’etoit pas à son aize, sous prétexte de l’accommoder mieux et de lui soutenir les pieds avec des cordes ; que, pour descendre, elle se jetta de bonne fois (sic) entre les bras dudit Aubert, qui lui tendoit les siens, lequel profita de cet instant pour la saizir avec avantage, et la renversa sur un fossé, lui mist la main sur la bouche pour étouffer les cris qu’elle faisoit, l’obligeant par cette manière et par différantes menaces à souffrir les effets de sa brutalité. Ayant assoupy (sic) sa passion, tentost il lui faisoit des menaces et tentost des promesses pour l’engager d’essuier ses pleurs et de ne rien dire et de remonter derrière lui ; ce qu’elle fit. Qu’estante arrivée à Rennes, ledit Aubert la poursuivoit tousjours dans les moments où ilz se trouvoient seuls ; que l’après midi d’un jour estante dans la chambre il la prist et la renversa sur un lit [en interligne : eut compagnie charnelle avec elle], lui promettant de ne la jamais laisser manquer et de l’assister s’il lui arrivoit quelque chose de la journée de leur voyage, dont elle estoit tousjours inquiette et dont elle lui faisoit tousjours des reproches. Que, ladite femme Aubert estante arrivée à la maison dès le mesme soir, elle la tira en particulier et lui dist ce qui lui estoit arrivé et les viollences de son mary, la priant d’y remédier et de pourvoir à sa seureté. Que ladite femme Aubert parut lui savoir gré de l’avoir avertie et promist de parler à son mary de la bonne façon. Que le landemain au soir ladite femme Aubert demanda à son mary s’il partoit en carosse [courte lacune], que ce n’estoit pas pour elle, mais pour quelqu’autre, ladite Meunier fut fort surprise, lors que ledit Aubert lui [courte lacune] dit que sa femme ne voulloit pas qu’elle restast davantage à la maison, qu’elle n’y rentreroit mesme pas tendis qu’elle-mesme seroit chez eux, et qu’il estoit inutil qu’elle voulust attendre sadite femme pour lui parler. Que sur les reproches qu’elle Meunier fit audit Aubert, il luy dist d’aller de sa part chez la nommée Beslisle, balayeuse du théâtre, laquelle la recevroit et par qui il lui feroit donner ce qu’elle auroit besoin. Qu’elle fut quinze jours chez ladite Beslisle, après lequel temps le sieur Aubert et femme la firent menasser que, si elle ne quittoit la ville, ilz la feroient prandre et enfermer ; que, si au contraire elle vouloit retourner chez elle, ilz lui feroient donner dequoy faire son voyage et s’obligeroient de faire recevoir l’enfent dont elle est enceinte à l’hôpital d’Orléans, et lui fourniroient dequoy s’y rendre pour accoucher lors