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Au moment où il rentre en ville, Mṛgajā[1], fille du Çākya Pou-kouo-sseu [texte chinois][2] l’aperçoit du haut de sa terrasse et le salue de la stance :

« Bienheureuse est la paix de la mère, bienheureuse la paix du père, bienheureuse la paix de l’épouse qui possède un tel époux ! »

Le Bodhisattva préoccupé à ce moment de la pensée du nirvāṇa, croit entendre ce mot, dans nirvṛta « bienheureux » et, tout joyeux de ce présage, il détache son collier, le lance à la jeune fille, et par sa puissance fait en sorte qu’il retombe exactement sur ses épaules. Au récit de cet incident, le roi Çuddhodana la fait venir au palais, lui donne vingt mille suivantes, et la fait épouser au prince. « Alors le Bodhisattva eut trois épouses, l’une nommée Mṛgajā, la seconde Gopikā, la troisième Yaçodharā ; Yaçodharā était la principale[3].

Au k. 4, le Bodhisattva s’apprête à quitter le palais. Mais, songe-t-il, si avec mes trois épouses et soixante mille femmes de service je garde la continence 若不與 為 俗 樂, on ne croira pas que je suis un puruṣa 丈夫. Il se décide alors à connaître Yaçodharā, qui conçoit et se réjouit de lui annoncer cette nouvelle le lendemain. Mais le lendemain, il n’était plus au palais ; il était parti dans la nuit[4]. L’auteur décrit la douleur de Yaçodharā et ne dit rien des autres épouses.

Au récit des austérités que pratique le prince, toute la cour, prise de zèle, veut les imiter. Mais Çuddhodana, craignant pour l’enfant que porte Yaçodharā, s’oppose à ce qu’elle réduise sa nourriture quotidienne à un grain de riz, un grain de millet [texte chinois] et une fève[5]. Des années se passent ; à la nouvelle que le prince a atteint l’illumination, la joie est générale. Yaçodharā, après six ans de grossesse, met au monde un fils, qu’on appelle Rāhula, parce qu’il naît au moment d’une éclipse de lune[6].

Cependant Çuddhodana ne peut croire que cet enfant soit bien de son fils[7]. Alors Yaçodharā le place sur une grosse pierre et la fait jeter dans

  1. TT, p. 136 ; TK, p. 136 T. Le texte chinois a [texte chinois], qui donnerait Mṛgarāja; mais le nom de Mṛgajā est connu non seulement par le texte tibétain, mais aussi par d’autres ouvrages chinois, notamment le Vinaya proprement dit des Mūla-Sarvāstivādin [texte chinois], k. 18, où sont nommées ensemble les trois épouses du Bodhisattva, Yaçodhară, Gopikā [texte chinois] et Mṛgajā [texte chinois], « qui signifie née de la gazelle, [texte chinois] ». Il paraît probable qu’il faut lire ici [texte chinois] au lieu de [texte chinois].
  2. Le tibétain a Kālika, d’après Rockhill, op. cit., p. 23. Cf. infra, p. 27.
  3. TT, p. 13 b ; TK, p. 13 b [texte chinois].
  4. TT, p. 14b ; TK, p. 14b [texte chinois].
  5. K. 5 ; TT, p. 19 b ;TK,p.19 b [texte chinois].
  6. TT, p. 22 a ; TK, P. 22 a [texte chinois].
  7. On remarquera que ceci cadre mal avec ce qui précède. Il y a évidemment ici, comme un peu plus loin, juxtaposition de légendes différentes.