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Vinaya

Un document de première importance nous est fourni par le P’o seng che [texte chinois][1] du Vinaya des Mulā-Sarvāstivādin : c’est une vie du Buddha fort circonstanciée, et dont l’autorité doit participer de celle de l’ouvrage où elle figure. Voici ce qu’on y lit à propos du mariage du prince Siddhārta.

Lorsque le temps fut venu de lui donner une épouse, on réunit au palais toutes les jeunes filles du pays pour les lui présenter, et, par l’effet d’un lien contracté entre eux dans des existences antérieures, son choix s’arrêta sur Yaçodharā, fille du Çākya Daṇḍapāṇi [texte chinois]. Elle fut installée au palais, avec une suite de vingt mille femmes, musiciennes et danseuses[2]. Plus tard, revenant en triomphe à Kapilavastu après avoir coupé la tête d’un énorme serpent qui désolait la région, le prince aperçut, au sommet d’un pavillon, une fille des Çākya nommé Gopikā [texte chinois], « habitant le village de Tchong-cheng » [texte chinois][3]. À sa vue, il arrête son char en appuyant un pied sur la roue. De son côté, « Gopikā lui jette un regard et conçoit une pensée [pour lui] ». Alors, il tord entre ses doigts le sceptre de fer, [texte chinois], qu’il avait à la main, et le brise en petits morceaux. Nouveau coup d’œil de Gopikā, et le prince appuyant son orteil contre le mur du pavillon où elle se trouve, y fait un trou. On reconnaît alors que cette jeune fille est digne de devenir son épouse ; et elle est introduite au palais, où elle reçoit aussi une suite de vingt mille femmes[4].

Ici se placent les quatre sorties classiques, puis la méditation sous le jambu, pendant laquelle l’ombre de l’arbre ne cesse pas de protéger le corps du Bodhisattva, bien que le soleil change peu à peu de position. En revenant vers la ville, le prince traverse le bois ou l’on déposait les cadavres [texte chinois] ; le spectacle de la décomposition de ces corps accroît l’intensité de sa méditation ; il continue son chemin assis sur son char les jambes croisées. Les devins déclarent alors que s’il ne quitte pas le monde sous sept jours, il sera roi cakravartin.

  1. TT, XVII ([texte chinois]), III ; TK, XVIII, X.
  2. K. 2 ; TT, Loc. cit., p. 8 b ; TK, loc. cit., p. 8 b [texte chinois].
  3. D’après Rockhill, The life of the Buddha, p. 21, le Dulva la nomme Gopā ; et en fait la fille de Kinkinisvara que Schiefner appelle Gantaçabda. Ce nom traduit exactement le chinois tchong-cheng « son de cloche » ou de gong. Il paraît très probable que le texte tibétain doit être préféré, et que le traducteur a fait un contresens, prenant le nom du père de la jeune fille pour le lieu de sa résidence.
  4. TT, p. 12 a ; TK, p. 12 a [texte chinois].