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LES FEMMES DE ÇĀKYA-MUNI

Par Noël PÉRI,
Membre de l’École française d’Extrême-Orient.

Avant de quitter sa famille et de se retirer du monde pour se livrer aux austérités et prêcher sa doctrine, le Bodhisattva, le futur Buddha, ou plutôt le prince Siddartha fut marié. Quelle fut son épouse ? et en eut-il une seule ou plusieurs ?

Dans l’Appendice au chapitre II de son Buddhism, intitulé Gautama’s wife and relations, M. Rhys Davids a brièvement traité cette question. Après avoir noté que le canon pāli est très pauvre en renseignements sur ce point, puis qu’on n’y trouve guère çà et là que la mention d’une femme dont on ne dit point le nom et qu’on appelle simplement la « mère de Rāhula », il énumère d’après les auteurs s’étant occupés du canon du Nord, quelques noms d’épouses du Buddha. Ces noms diffèrent suivant les livres d’où ils sont tirés ; celui même de Yaçodharā, le plus connu de tous, n’est pas constant et ne se trouve pas en tous. Pour sortir de la difficulté que créent ces divergences, M. Rhys Davids propose une hypothèse ingénieuse et commode. Le Buddha n’aurait eu en fait qu’une seule épouse dont le nom même aurait été ignoré de la communauté primitive. Mais plus tard la légende aurait peu à peu décoré cette épouse unique de titres ou surnoms symboliques en rapport avec les vertus dont elle l’ornait, titres ou surnoms qui auraient finalement été interprétés comme désignant des femmes différentes. La suggestion, je le répète, est ingénieuse, et doit sans doute être retenue dans une certaine mesure. Toutefois elle ne semble pas suffire à rendre compte de tout ce que nous disent les ouvrages figurant au canon chinois, concernant les épouses du Buddha. Nous avons aujourd’hui plus aisément accès à ce canon qu’à l’époque où M. Rhys Davids écrivait son Buddhism, et nous pouvons en extraire plus de renseignements qu’il ne lui a été possible d’en réunir. Ce sont les principales de ces données que je voudrais exposer ici, et comparer entre elles. On trouvera dans cette étude des choses déjà connues, ou publiées ailleurs ; mais quelques répétitions m’ont paru préférables à la multiplication des renvois, qui ne laisse pas d’imposer une certaine gêne au lecteur.