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Tchao Jou-koua, vient confirmer cette impression. Enfin, la stèle de Vieng Sa montre que, dès la fin du VIIIe siècle, le roi de Çrīvijaya jouissait d’une assez grande autorité dans le Nord de la Péninsule pour pouvoir y faire des fondations pieuses et y faire buriner une inscription à son nom [1].

Ces preuves tangibles de l’extension considérable du royaume de Palembang fortifient singulièrement l’hypothèse émise par M. Chavannes et par Gerini [2], suivant laquelle ce royaume ne serait autre que le célèbre Zābaj (Jāwaga) des géographes arabes [3]. Elles ont dans tous les cas une grande importance pour l’histoire des établissements malais dans la Péninsule. Pendant longtemps on a cru que cette histoire ne commençait qu’avec la fondation de Singapore placée par Marsden, Crawfurd, etc., en 1160 [4]. En 1901, Schlegel se refusait à admettre que le San-fo-ts’i eût pu avoir des dépendances en dehors de Sumatra [5], thèse combattue par M. Pelliot [6]. Gerini admettait bien des incursions malaises sur la Péninsule dès le VIIIe siècle, et, y plaçant le Malāyu de Yi-tsing, il était bien obligé d’en conclure que la domination de Palembang avait, dès la fin du VIIe siècle, pris pied sur le continent, mais c’est

  1. A qui garderait quelque doute sur l’identité du Çrīvijaya de la stèle de Vieng Sa, et de Çrīvijaya = Che-li-fo-che, San-fo-ts’i, je rappelle que l’inscription de la seconde face de cette stèle est au nom d’un Mahārāja issu du çailendravamça, et que ce vamça est précisément celui dont se réclamaient Çrī Cūlāmaṇivarman et Çrī Māravijayottuṅgavarman, rois de Çrīvijaya = Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-tiao-houa et Sseu-li-ma-lo-p’i, rois du San-fo-ts’i.
  2. CHAVANNES, Religieux éminents, p. 36 n. 3. — GERINI, Researches, p. 557 et suiv.
  3. Si cette hypothèse venait à être définitivement confirmée, on aurait peut-être du même coup la solution d’un problème assez important pour l’histoire du Cambodge. On sait que, aux termes de l’inscription khmère de Sdok kak thom, le roi Jayavarman II, qui devait refaire au début du IXe siècle l’unité du Cambodge, « vint de Javā » et invita un savant brahmane à « composer un rituel pour que le Cambodge ne fūt plus dépendant de Javā ». (FINOT, L’inscription de Sdok kak thom, BEFEO., XV, 11, pp. 87-88). On a généralement rapproché de ce texte attestant la dépendance du Cambodge au VIIIe siècle, l’histoire de l’invasion du royaume khmèr et sa défaite par les armées du Maharaja de Zābaj, racontée par Abu Zayd (G. FF.RRAND, Textes arabes, p. 85). Si Zābaj est bien le royaume malais de Sumatra, Java, qui a été sūrement appliqué quelquefois à Sumatra, serait ici une autre désignation du royaume de Palembang. Un état, qui dans la seconde moitié du VIIIe siècle étendait sa suzeraineté jusque vers la baie de Bandon, se trouvait assez proche du Cambodge pour avoir pu, à la faveur de troubles survenus dans ce pays, s’arroger sur lui certains droits. M. FINOT aurait donc suivi la bonne piste en cherchant sur la Péninsule Malaise le Javā de l’inscription de Sdôk kak thom (loc. cit., p. 57) : il s’agirait du royaume de Çrīvijaya qui occupait alors une partie de la Péninsule.
  4. CRAWFORD, History of the Indian Archipelago, II, pp. 373, 481.
  5. « No place called Kelantan is, however, known in Sumatra in the neighborhood of Palembang, and Kelantan on the Malay Peninsula is here ont of the question». (Toung Pao, 1901, p. 133).
  6. BEFEO., IV, p. 345 n. 1.