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Ou-che-ho-na, v. 54), jai (jaya = che-ye, v. 56, 62), et jaya (Ujjayanī = Ou-che-ni, v. 16) Quant au caractère ts’i, dont j’ignore la prononciation ancienne, je constate que Groeneveldt le restituait en tsai [1]. On est donc de toute façon ramené à une prononciation jai ou jay qui répond infiniment mieux à jaya qu’à fa. L’équivalence fo = vi est à première vue beaucoup moins satisfaisante. Je crois cependant qu’elle est possible. On sait que le caractère fo, régulièrement employé pour transcrire le nom du Buddha, avait une prononciation *pw’<sup>i</sup> δ [2]. Or le passage de vi, ou plus exactement de bi [3] à bu par labialisation est un phénomène phonétique possible, qui n’est d’ailleurs pas sans exemple [4], et qui suffit à justifier l’emploi de fo. En définitive, fo-che, fo-ts’i peuvent représenter une forme bujai, corruption parlée de vijaya.

On ne saurait donc invoquer l’argument linguistique contre l’identification de Çrīvijaya à Che-li-fo-che et San-fo-ts’i [5]. Mais on aimerait avoir en sa faveur autre chose, et mieux, qu’une preuve négative. Cette preuve positive. l’épigraphie chame va la fournir.

À la fin du Xe siècle et dans le courant du XIe, les textes chinois et annamites mentionnent, comme capitale du Champa, la ville de Fo-che [6]. Ainsi que l’a déjà remarqué M. Pelliot, ce nom orthographié par les Annamites et par le Song che, est identique à celui de pays de Fo-che ou Che-li-fo-che à Sumatra [7]. Or, on sait d’une façon certaine par l’épigraphie, qu’à cette époque la capitale chame était au Binh-đinh et s’appelait Vijaya [8].

Ce nouvel exemple de Fo-che correspondant à Vijaya semble concluant. On peut noter enfin que le nom de Çrīvijaya appliqué au royaume de Palembang rend parfaitement compte de la forme Kin-li-p’i-che où M. Pelliot proposait de retrouver une altération de Che-li-fo-che [9]. Si cette

  1. Notes, p. 62.
  2. PELLIOT, Les noms propres du Milindapañha, JA., 1914 (2), p. 393.
  3. La confusion entre v et b, commune à tant d’alphabets indiens ou d’origine indienne, était probablement causée par un phénomène phonétique. Un syllabaire sanskrit, dū sans doute à Yi-tsing, emploie le même caractère p’o pour représenter skr. ba et va (cf. TAKAKUSU, Record, p. LXI). Dans les parlers indochinois et en malais, la plupart des mots d’origine indienne commençant par v sont écrits et prononcés avec un b. A propos de l’inscription de Bangka, M BLAGDEN remarque : « It will be noticed that many of the above words have v which modem Malay has replaced by b ». (J. Straits Br. RAS., 1913) (n°64), p. 70. — Vijaya est devenu bijai en khmèr et en thaï.
  4. C’est ce phénomène qui explique des formes telles que : khmèr būj (pue) = skr. bija ; bum (pŭm) = bimba ; bumsen (pŭmsèn) = bhīmasena. En cham bon nombre de mots commencent indifféremment par ba, bi, ou bu ; skr. vikata a donné bikal et bukal.
  5. La forme Çrīvijaya n’explique évidemment pas le San de San-fo-ts’i, mais Çrībhoja ne l’explique pas davantage.
  6. BEFEO, IV, p. 202. — MASPERO, Champa, T’oung Pao, 1910, p. 185 ; 1911, p. 80.
  7. BEFEO., IV, pp. 202 n. 2, 337.
  8. Ibid., III, p. 639 ; IV, pp. 906, 965, 975 ; XV, II, p. 50.
  9. Ibid., IV, p. 324 n. 5.