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que cette identification repose sur un contre-sens. En effet, skr. katāha et tamoul kadāram signifient tous deux « poêle, chaudron de cuivre », mais kadāram a aussi le sens de « couleur brune tirant sur le noir » ; or kālagam a précisément le sens de « noirceur » [1], et c’est peut-être uniquement cette synonymie qui a incité le commentateur du Paddinappālai et les lexicographes à gloser Kālagam par Kadāram. Il ne semble donc pas qu’il faille attacher une grande importance à cette identification, qui d’ailleurs n’avance pas à grand’chose.

En dehors de l’épigraphie, Kadāram est nommé une fois dans le poème tamoul Kaliṅgattuparaṇi [2]. Quant à Katāha, il figure plusieurs fois dans le Kathāsaritsāgara, comme le nom d’un dvīpa voisin de Suvarṇadvīpa qui dans ce poème désigne vraisemblablement Sumatra : le roi de Katāha était beau-frère du roi de Suvarṇadvīpa, ce qui semble indiquer qu’aux yeux de l’auteur du Kathāsaritsāgara, qui écrivait vers les XIe-XIIe siècles, les deux pays avaient d’étroites relations politiques [3]. Le nom de Katāha se rencontre aussi dans le manuscrit népalais à miniatures Cambridge Add. 1643 : les miniatures 26 et 28 qui représentent Avalokiteçvara debout entouré de deux formes de Tārā, de Hayagrīva (ou Mārīcī) et d’un preta, portent comme titre : Kahtāhadvīpe Valavatīparvate Lokanāthah, « Avalokiteçvara sur la montagne Valavatī dans la contrée de Katāha » [4].

Ces citations sont intéressantes en ce qu’elles prouvent que le nom de Katāha était connu et usité dans l’Inde, et que par conséquent le Katāha cité dans la partie sanskrite de la grande charte de Rājarāja I n’est pas simplement une traduction du Kidāram nommé dans le texte tamoul.

Or il est un pays connu des Chinois dont le nom semble phonétiquement correspondre assez bien à Katāha, c’est Kie-tch’a où Yi-tsing fit escale à deux reprises. Pendant son voyage d’aller, venant du Che-li-fo-che et du Mo-lo-yeou pour se rendre dans l’Inde, il s’arrêta une première fois à Kietch’a ; de là. après dix jours de navigation vers le Nord, il gagna l’île des Hommes-Nus, puis après quinze jours de navigation vers le Nord-Ouest, il atteignit Tāmraliptī vers les bouches du Gange. A son retour, en venant de Tāmraliptī, il semble avoir atteint Kie-tch’a directement sans escales ; de là, il lui fallut ensuite un mois de navigation pour arriver au Mo-lo-yeou [5]. Un autre pèlerin, le moine Wou-hing, dont l’itinéraire de Chine à Ceylan est

  1. VENKAYYA, Ibid.
  2. Dans une allusion aux conquêtes des Čojas : « Les éléphants de guerre des Čojas ont bu l’eau du Gange à Manni ; et Kadāram où les hurlantes vagues de cristal lavaient le sable mêlé d’or rouge fut annexé ». KANAKASABHAI, Ibid.
  3. Kathāsaritsāgara, trad. TAWNEY, I, pp. 87, 92, 552 ; II, pp. 44, 598.
  4. A. FOUCHER, Iconographie bouddhique, pp. 102 et 194.
  5. CHAVANNES, Religieux éminents, pp. 105-119. — TAKAKUSU, A record, pp. xxx, XXXIII.