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dans toute sa largeur, et avait vue à la fois sur le Golfe de Siam et sur les Détroits à la hauteur de Panga ou de Trang ; ou bien que c’est Laṅkasuka qui avait vue sur les deux mers. Les deux hypothèses sont également vraisemblables, et sont peut-être vraies toutes les deux à la fois. Il suffit d’étudier sommairement la géographie de toute cette partie de la Péninsule, et de se rappeler avec quelle facilité on y passe d’une mer à l’autre, pour comprendre que l’existence d’Etats s’étendant d’une côte à l’autre est toute naturelle, et s’explique, politiquement, par l’avantage qu’il y avait à tenir sur toute leur longueur les différentes routes de transit [1].

Quelle qu’ait été d’ailleurs l’extension du Tāmraliṅga, il occupait certainement Jaiya et très probablement Nagor Srī Dharmarāj. Mais, va-t-on me dire, ne placez-vous pas aussi à Jaiya cet autre état vassal du San-fo-ts’i que Tchao Jou-koua nomme Kia-lo-hi, et que vous identifiez (voir App. III) avec le pays de Grahi, mentionné dans une inscription gravée sur le socle d’un Buddha originaire de Jaiya ? — Sans doute, mais il faut observer que, aux termes mêmes de cette inscription khmère, Grahi n’était qu’un sruk, c’est-à-dire un petit district administré par un mahāsenapati. Par conséquent, en admettant que ce nom ait bien été appliqué au site ancien de Jaiya, rien n’empêche de supposer que le district ainsi désigné n’ait fait partie de Tāmraliṅga. Mais il se peut aussi que la statue du Buddha trouvée à Jaiya y ait été amenée des environs, et que Grahi = Kia-lo-hi, qui d’après l’Histoire des Song était limitrophe du Tchen-la, se soit trouvé un peu au Nord de la baie de Bandon. L’inscription qui mentionne Tāmraliṅga semble au contraire avoir été trouvée in situ.

— ILAMURIDEÇAM. L’i initial est le même que celui d’Ilaṅgāçogam. Il s’agit évidemment de ce pays situé dans la partie N. de Sumatra, cité par les géographes arabes sous ce même nom de Lāmurī [2], et par Marco Polo sous le nom de Lambri [3]. L’identification va de soi, et a d’ailleurs déjà été faite par M. G. Ferrand [4]. Ce qui est particulièrement important pour la présente

  1. Cf. DE LAJONQUIERE, Le domaine archéologique du Siam, BCAI, 1909, p. 256 : « II me semble qu’ils (= les vestiges archéologiques de Jaiya, Vieng Sa, et Takua Pa) jalonnent une route de transit à travers la presqu’île et par suite un des petits royaumes hindous qui se la partagèrent». — P. 259 : «... Trang sur une rivière qui descend du Nord et dont la vallée correspond à une passe vers Nakhon Sri Thammarat. Ce port, d’ailleurs de fondation toute récente, communique en outre avec Pathalung... par un chemin commode ; on va ainsi facilement à bicyclette d’une mer à l’autre en quelques heures ; avec les commodités actuelles en moins, ce furent là certainement deux voies de transit qui demandaient, celle de Pathalung 2 ou 3 étapes par terre et autant par voie d’eau jusqu’à la baie de Lakhon ; l’autre, celle de Lakhon, 5 ou 6 étapes à travers un pays facile et très habité ».
  2. G. FERRAND, Textes arabes, Index, s. v. Lāmurī.
  3. Ed. YULE-CoRDIER. II, p. 299.
  4. Loc. cit., p. 647 n. 7.