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qui intéresse spécialement la présente recherche, est que l’acte émane d’un personnage portant le titre de Çrī Dharmarāja et qualifié de « Seigneur de Tāmbraliṅga » (Tāmbraliṅgeçvarah).

Tāmbra est une forme prākritisantede tāmra « cuivre [1] », encore employée en singhalais. Le sens de l’expression Tāmraliṅga n’est pas très clair. En prenant linga dans le sens de « marque, caractère », Tāmraliṅga signifierait « (le pays) qui a pour caractéristique le cuivre», mais je ne crois pas que du cuivre ait jamais été signalé dans le Nord de la Péninsule Malaise. On peut supposer d’autre part que le pays tirait son nom d’un « linga de cuivre » ayant une certaine célébrité. Quoi qu’il en soit, il est à peu près certain que Tāmralinga est le nom d’où sont issues la forme chinoise Tan-ma-ling et la forme tamoule Tamālingam. La transcription Tan-ma-ling pour Tāmraliṅga est analogue aux transcriptions To-mo-li-ti [2], et Tan-mo-li-ti [3] pour Tāmralipli. Quant à la forme tamoule Tamāliṅgam dont Va pourrait susciter quelques objections, il est possible que la vraie lecture soit Tamra° ou Tamāraliṅgam. On sait en effet que dans l’écriture tamoule, surtout dans les inscriptions, le signe servant à marquer l’ ā long est pratiquement indiscernable du signe représentant la semi-voyelle r [4].

Pour localiser Tāmraliṅga, il faut tenir compte des faits suivants : i° l’inscription qui le mentionne est originaire de Jaiya ; 2° cette inscription émane d’un personnage portant le titre de Çrī Dharmarāja, qui semble être le titre traditionnel des rois de Nagor Srī Dharmarāj, et l’origine même du nom de cette localité ; 30 Tan-ma-ling est, selon un texte cité par Schlegel, à dix jours de navigation au Sud du Cambodge [5] ; 40 Tan-ma-ling est, d’après Tchao Jou-koua, à six jours de navigation de Laṅkasuka [6].

Les trois premières données s’accordent bien et concourent à placer Tāmraliṅga sur la côte E. de la Péninsule Malaise, entre la baie de Bandon et Nagor Srï Dharmarāj ; mais la dernière semble en contradiction avec elles. On vient de voir en effet que M. Blagden rejetait la localisation de Tanma-ling à l’embouchure de la rivière de Kwantan parce que six jours sont insuffisants pour faire la traversée entre cet endroit et Kedah Peak. L’objection a deux fois plus de force si le point de départ est Jaiya ou Nagor Srī Dharmarāj. Si le texte de Tchao Jou-koua n’est pas corrompu, et qu’il s’agisse bien d’un voyage par mer et non par terre, la seule façon de résoudre la difficulté est de supposer : ou bien que le pays de Tāmraliṅga occupait la péninsule

  1. PISCHEL, Gramm. d. Prākrit-Spr., § 295.
  2. FA-HIEN, ch. 37.
  3. YI-TSING, passim.
  4. SII., I, p. VI.
  5. T’oung Pao, 1901, p. 126.
  6. Trad. HIRTH-ROCKHILL, p. 68.