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On a vu plus haut que M. Venkayya avait retrouvé ce nom dans le Mahāvamsa [1]. À propos de l’expédition de Parakkamabāhu contre le Pégou (Rāmaññadesa) vers 1180, le poème raconte comment les vaisseaux singhalais furent en partie dispersés par une tempête avant d’avoir atteint leur but : « Mais cinq d’entre eux qui portaient une nombreuse troupe d’hommes vigoureux atterrirent au port de Kusumi dans le pays de Rāmanna... et le navire commandé par le général tamoul Ādicca jeta l’ancre au port de Papphāla, dans ce pays » (Mhv., LXXVI, 59,63-64). L’identification proposée par M. Venkayya a été adoptée par M. Hultzsch [2] : elle est d’ailleurs inattaquable, au point de vue phonétique. La mention, parmi les pays conquis sur le roi de Kadāram, du port de Papphāla situé, selon le Mahāvamsa, en territoire pégouan, semble en contradiction avec la thèse que je soutiens. Mais la contradiction n’est peut-être qu’apparente. On sait d’une part que vers le XIe siècle [3], la suzeraineté de Pagan, dont dépendait le Pégou [4], s’étendait vers le Sud, au moins jusqu’à Mergui, puisque M. de Lajonquière a découvert en cet endroit une stèle pâlie au nom d’un roi d’Arimaddana, c’est-à-dire de Pagan [5]. D’autre part, un des griefs invoqués par Parakkamabāhu contre le roi de Pagan était le rapt d’une princesse singhalaise envoyée au Cambodge (Mhv., LXXVI. 35). Comme il est infiniment probable que les messagers se rendant de Ceylan au Cambodge passaient par l’isthme de Kra, c’est dans ces parages que le rapt avait dû être commis, et, conséquemment, l’autorité du roi de Pagan devait s’étendre jusque là [6]. Si Papphāla se trouvait sur la côte O. de l’isthme de Kra, rien n’empêche de supposer que cette localité qui, à la fin du XIIe siècle, appartenait au Pégou, ait été au début du XIe sous la dépendance de Palembang, dont la suzeraineté, ainsi qu’on le verra par la suite, s’étendait alors jusqu’à la baie de Bandon.

Je ne me dissimule pas ce que ces propositions ont d’hypothétique, et je n’entends nullement affirmer que Papphāla se trouvait effectivement sur l’isthme de Kra. J’ai simplement voulu montrer que la chose était possible et que, par suite, la présence, parmi les conquêtes de Rājendracoja I, d’une

  1. Ann. rep., 1898-99, p. 17 ; Rep. Arch. S,urv. Burma, 1909-10, p. 14.
  2. SII., III, p. 195. (n° 1 : Above, vol. II, p. 109. the great Papphālam must be read instead of Māppappālam).
  3. Date approximative assignée par M. FINOT à la stèle de Mergui (BCAI., 1910, p. 153).
  4. PHAYRE, Hist. of Burma, p. 50. — Mhv., LXXVI. 38, appelle le roi de Rāmañña « roi d’Arimaddana ».
  5. BCAI., 1909, p 237 ; 1910, p. 153.
  6. Elle se serait même étendue encore plus au Sud, d’après GERINI qui propose de placer dans la Péninsule Malaise le Malayadesa où, selon le Mahāvamsa (Ibid.), le roi de Rāmañña fit emprisonner les messagers envoyés de Ceylan au Cambodge (Researches, p. 535).