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Le passage des Annales de Kědah cité plus haut, qui ne paraît pas avoir attiré l’attention de M. Pelliot, semble obliger à dissocier complètement Ling-ya-sseu-kia = Lankasuka (Gunong Jěrai) du Lang-ya-sieou, Langya-siu, ou Lang-kia-chou connu aux VIe-VIIe siècles, qui correspond peut-être en effet au Tenasserim.

La mention de Lankasuka dans l’inscription tamoule de 1030 est importante, car elle ruine une théorie hasardeuse de Gerini, et montre une fois de plus la fragilité des chronologies basées sur des romans historiques qui relèvent plutôt du folklore que de l’histoire proprement dite. Gerini avait d’abord commencé par tirer des Annales de Kědah la chronologie suivante (j’ai dit plus haut que ce texte ne contenait pas une seule date !) :

— env. 1300 A. D. : fondation de Lankasuka par Maron Mahawansa ;

— immédiatement après 1380 : avènement de Mahapodisat et changement du nom du pays en celui de Këdah ;

— vers 1400 : abandon de Lankasuka [1].

Mais, Lankasuka se trouvant cité par Tchao Jou-koua qui écrivait au début du XIIIe siècle, Gerini était obligé de faire remonter la fondation de ce pays à la lin du XIIe siècle et « d’intercaler une demi-douzaine de petits rois inconnus entre cette date et l’avènement de Mahapodisat sous le règne de qui le pays changea son nom en celui de Kědah » [2].

Si Gerini s’était aperçu que Lankasuka est mentionné dans une inscription de 1030, ce n’est plus une « demi-douzaine de petits rois » qu’il eût été obligé d’intercaler, mais bien une douzaine tout entière. En fait, cette ancienne et authentique mention de Lankasuka suffit à renverser ce fragile édifice chronologique. Et d’ailleurs, l’inscription bouddhique qui a été trouvée à Bukit Murriam [3], un peu au Sud de Gunong Jěrai, et que Kern faisait remonter au début du Ve siècle [4], prouve que le site est très ancien. Si l’on ignore à quelle époque remonte la fondation et la dénomination de Lankasuka, on verra plus loin que le nom de Kědah apparaît peut-être dès le VIIe siècle. Ceci, joint au fait que Gunong Jěrai était encore une île lors de l’arrivée de Maron Mahawansa, force à reculer l’existence de ce personnage dans un passé qui confine à la légende.

De toute cette discussion, il suffira, pour l’objet de la présente recherche, de retenir l’identification d’Ilangāçogam avec Lankasuka, sa localisation dans le Sud de l’Etat de Kědah, et sa dépendance vis-à-vis du royaume de Palembang.

— MA-PPAPPALAM.

  1. JRAS., 1905, pp. 495-496.
  2. Ibid., p. 499
  3. Lt-Col. Low, On an inscription from Keddah, JASB.. XVIII (1849), 11, p. 247.
  4. Over eenige oude sanskritopschriften.., Versl. Med. kon. Akad. Wetensch., Afd. Letterkunde, 3e reeks, deel I, 1883.