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phonétique entre Kidāram et Khettarā [1]. Enfin, tout récemment, M. Blagden vient d’élever, contre l’identification de Kadāram au Pégou, les plus sérieuses objections [2].

On voit que le problème n’est pas nouveau et qu’il a déjà fait couler pas mal d’encre. Et cependant, depuis 1880, époque à laquelle Groeneveldt publia ses Notes on the Malay Archipelago, le monde savant dispose, en traduction anglaise, d’un passage des Annales des Song, qui a été reproduit successivement par Schlegel, Gerini, M. G. Ferrand [3], et qui permet de trancher la question.

J’ai dit plus haut que la grande charte de Rājarāja I (1005 A. D.) nomme deux rois de Kidāram ou, comme le dit le texte sanskrit, deux rois de Katāha et Çrīvisaya : Çrī Cūlāmanivarman, et son fils Çrī Māravijayottungavarman qui régnait au moment où l’inscription fut composée. Or les Annales des Song mentionnent, en 1003 et en 1008, deux ambassades du pays de San-fo-ts’i, la première envoyée par le roi Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-tiao-houa et la seconde par le roi Sseu-li-ma-lo-p’i. Il n’est même pas nécessaire d’être sinologue pour reconnaître dans le premier nom une magnifique transcription de Çrī Cūlāmanivarmadeva [4], et dans le second la transcription des premières syllabes de Çrī Māravijayottuṅgavarman [5].

  1. Rep. Arch. Surv. Burma, 1909-10, p. 14.
  2. Ibid., 1916-17, p. 25 : « M. Blagden thinks that... if Kadaram be Pegu, it could not have been conquered by the Cholas in 1069 A. D. (cette date est sans doute !e résultat d’une faute d’impression) when Burmese power was so strong, and asks whether any of the Burmese and Mon kings known to history hāve had nanus ending in varman... ».
  3. SCHLEGEL, Geographical notes, T’oung Pao, 1901. p. 168 ; GERINI, Researches on Plolemy’s geography, p. 623 ; G. FERRAND, Ye-liao,Sseu-tiao et Java, JA., 1916 (2), p. 528.
  4. SCHLEGEL, loc. cit., avait restitué le nom, à peu près correctement, en Sri Chūda Munivarmadêva. GERINI. je ne sais pourquoi, n’adopta pas la lecture varma, et transcrivit Çrī Cūdāmanibhūmyadeva ou °bhūpadeva, qui n’a pas de sens (loc. cit.). Récemment, M. G. FERRAND a discuté !a forme chinoise, et a trouvé à sa restitution en sanskrit des difficultés que je ne comprends pas : « Les deux premiers caractères du nom royal Sseu-li-tchou-lo-wou-ni-fo-ma-liao-houa = çrī, les deux suivants ne se laissent pas restituer (tchou-lo=jura ou un phonème voisin)… Wou-ni est certainement kawi wuni qui figure dans le nom royal de Wisnuwardhana, appelé aussi Ranga wuni... Les quatre derniers caractères ne font pas difficulté : fo-ma = kawi warman, skr.varman ; tiao-houa = kawi deva, skr. deva » (JA., 1916[2], p 529 note). — Je ne vois pas ce qui empêche de restituer tchou-lo en cūlā. Quant à wou, on sait que la prononciation ancienne de ce caractère est *m<sup>w</sup>u (aux VIe-VIIe siècles, cf. PELLIOT, Les noms propres du Milindapaña,,IA., 1914 [2], p. 394). La nasale initiale qui s’est conservée en cantonais explique pourquoi ce caractère est souvent employé pour transcrire mo ou ma : nan-wou = skr. Namo (T’oung-Pao, 1900, p. 231) ; wou-li-pa = malabar (Tchao Jou-koua, trad. HIRTH-ROCKHILL, p. 223) ; wou-che = persan māzū (Ibid. p. 215). La restitution cūlāmani ne fait donc aucune difficulté.
  5. L’habitude chinoise d’abréger les noms étrangers, surtout quand ils sont très longs, est trop connue pour qu’il vaille la peine d’y insister.